Un récent rapport du service de recherche du Congrès américain (CRS) se penche sur le « Changement dans l’environnement international de sécurité et les potentielles implications pour la défense ». Les formules de prudence cachent à peine que, d’après le rapport, une mutation a bel et bien eu lieu, marquée par la « tactique du salami » (tranche après tranche) pratiquée par Pékin en mer de Chine orientale et la « guerre hybride » menée par la Russie en Ukraine.
Cette nouvelle donne sécuritaire se caractérise par « le renouvellement de la compétition entre les grandes puissances » et « la remise en cause de certains éléments de l’ordre mondial dominé par les États-Unis ».
Pour appuyer ce constat, le rapport cite longuement la nouvelle Stratégie militaire nationale américaine, publiée en juin. Y compris cet extraordinaire passage selon lequel « La plupart des États aujourd’hui – au premier chef les États-Unis, leurs alliés et leurs partenaires – soutiennent les institutions et les processus établis pour éviter les conflits, respecter la souveraineté et promouvoir les droits de l’homme ». Venant d’un pays qui ne cesse de lancer des guerres au mépris à la fois du Conseil de sécurité et de la souveraineté des États concernés, et qui s’est distingué dernièrement par l’organisation d’un système de kidnapping et de torture clandestins à l’échelle planétaire, l’affirmation a de quoi laisser perplexe.
Toujours est-il que la citation se poursuit : « Certains États néanmoins tentent de réviser les aspects clé de l’ordre international et agissent de manière qui menace nos intérêts nationaux. » Sur ce point, au moins, la Stratégie va à l’essentiel. En effet, les États-Unis considèrent leurs intérêts nationaux en péril du moment où leur suprématie absolue n’est plus garantie. Le seul ordre acceptable est un ordre sans partage. Le même que le rapport évoque avec nostalgie en parlant de la période « unipolaire » de la post-Guerre froide.