Il y a deux semaines, le banquier suisse Alexandre Wohlwend nous annonçait ici même la fin de l’euro. Un scénario qui semble aujourd’hui se préciser. Contre toute attente, c’est l’Allemagne qui pourrait être le premier pays à quitter la devise européenne.
Nicolas Sakozy est nerveux. Il a de quoi l’être, car les agences de notation s’apprêtent à dégrader la note de la dette publique de la France.Dans un ultime sursaut,et pour rassurer ces agences, le Premier ministre François Fillon devrait accélérer le processus de la mise en place de mesures d’austérité, de sorte à obtenir un répit de quelques semaines. L’adoption par l’Assemblée nationale en quasi-urgence, le 10 juin dernier, du projet de loi de régulation bancaire et financière qui renforce l’encadrement des marchés financiers, quoique largement insuffisant, va également dans ce sens. On voudrait par là faire savoir que, si les marchés attaquaient la France, un bras de fer contre les spéculateurs pourrait être engagé.
Un répit de quelques semaines seulement car, malheureusement, l’abaissement de la note française est inéluctable. Contrairement à l’Allemagne, dont l’industrie et les exportations représentent le gros de l’économie, la France ne bénéficie pas de la chute de l’euro. Pendant ces vingt dernières années, et notamment en raison de la déréglementation des socialistes, l’industrie française a été démantelée, voire liquidée. Elle représente aujourd’hui moins de 9 % des exportations du pays. D’ailleurs, en continuant sur cette voie, le secteur tertiaire français ne sera bientôt plus qu’une activité de services.
Et si l’Allemagne revenait au mark ?
La France demeure pourtant le maillon fort des pays méditerranéens de la zone euro. Si elle chute, l’Espagne, le Portugal et l’Italie s’écrouleront immédiatement. Théoriquement, le “fonds de sauvetage” de 750 milliards d’euros, qui doit garantir le renflouement d’États au bord de la faillite,devrait être opérationnel avant l’été. Dans la pratique,en cas de besoin, il restera à convaincre l’Allemagne et les pays du nord de la zone de débourser des centaines de milliards d’euros pour soutenir les banques – car il ne s’agit de rien d’autre – qui détiennent les dettes des pays en difficulté. Et là, aussi surprenant que cela puisse paraître, l’Allemagne pourrait renoncer à leur venir en aide et être le premier État à se séparer de la monnaie unique. Restent deux choix pour Berlin : réintroduire le mark ou créer une deuxième monnaie européenne, celle des pays “forts”.
L’information pourrait sembler abracadabrante sans quelques indices supplémentaires, comme cette information du quotidien allemand Thüringer Allgemeine Zeitung,qui avertit de l’achat de quatorze machines destinées à la fabrication de billets de banque par la société Ruhlamat, basée à Erfurt, dans le land de Thuringe, et destinées à une nouvelle usine employant 230 personnes. Cela à la demande de la Bundesbank.(1)
Mais l’Allemagne semble avoir pris depuis longtemps quelques précautions, puisqu’elle est le seul pays à ne pas avoir limité dans le temps la conversion de son ancienne monnaie nationale en euros. Rien que l’an dernier, près de 160 millions de DM ont ainsi été échangés. Il y a encore 13,6 milliards de DM en circulation, pour moitié en pièces et pour moitié en billets, selon les informations officielles de la Bundesbank, qui seraient immédiatement utilisables si l’Allemagne venait à réintroduire sa monnaie souveraine.
En dehors de la dégradation de la note de la dette des pays méditerranéens de la zone euro, qui semble aujourd’hui inéluctable, les mesures d’austérité – celles qui ont été mises en place ces dernières semaines et celles qui ne tarderont pas à s’ajouter – semblent faire craindre à l’Allemagne une révolte de grande ampleur dans les pays les plus touchés par la crise. Une situation qui deviendrait très vite incontrôlable et dont l’impact sur l’économie européenne ne manquerait pas d’être catastrophique, et qui contribuerait encore à la chute de la devise européenne. Dans ce cas, la réintroduction de la monnaie nationale allemande ou la mise en place d’un “euro bis” permettrait une issue de secours.
Ce scénario de la rentrée doit encore être affiné et, pour cela, la période estivale sera cruciale, car les chancelleries ne manqueront pas de profiter de la somnolence des populations et de la quasi léthargie des médias en juillet et en août pour tenter de mettre en place un ultime plan de sauvetage de la devise européenne, comme par exemple, en France, de réformer la Constitution pour y inscrire une “règle d’équilibre”, ou plus exactement d’abandonner la souveraineté économique du pays à la faveur du pouvoir central de Bruxelles.
Clovis CASADUE, pour la revue FLASH
Note :
(1) Article du Thüringer Allgemeine Zeitung