Le continent le plus colonisé et le plus exploité de l’histoire du monde est une fois de plus le centre de la concurrence mondiale, bien que cette fois la rivalité entre les grandes puissances ait pris une forme beaucoup plus nuancée, mais pas moins intense.
Les États-Unis, la France et leurs alliés unipolaires veulent conserver l’Afrique comme réserve exclusive de main-d’œuvre, de marché et de ressources dans un avenir prévisible, à la fois pour leur propre intérêt matériel et pour l’avantage stratégique supplémentaire de priver la Chine et d’autres de ses fruits économiques. À l’inverse, la Chine veut intégrer les économies et les populations qui connaissent la croissance la plus rapide dans l’évolution de l’ordre mondial multipolaire et leur donner une juste chance de réussir dans le système mondial.
Le contraste entre le néo-colonialisme de l’Occident et la souveraineté libératrice de la Chine ne peut être plus net et c’est cette opposition de stratégies mondiales et de modèles de développement diamétralement opposés qui ouvre la voie à la grande bataille par procuration entre les États-Unis et la Chine sur l’Afrique.
Tout autant que la Chine a besoin de l’Afrique pour maintenir ses taux de croissance réguliers dans un avenir prévisible et assurer sa stabilité intérieure, les États-Unis veulent casser ce lien entre l’Afrique et la Chine afin de compenser la durabilité structurelle de leur concurrent numéro un pour le leadership mondial. Le conflit par procuration à l’échelle de l’Afrique est dû au fait que la Chine travaille ardemment à financer, construire et relier entre eux divers projets d’infrastructure afin de créer une trame supra-régionale de corridors de transport intermodaux qui pourrait compléter parfaitement la partie maritime de la route de la soie One Belt One Road. Les États-Unis tentent avec une égale ferveur de prendre le contrôle des nœuds clés le long de ces routes transnationales et d’en perturber stratégiquement des portions cruciales afin d’accroître la dépendance de la Chine à l’égard des zones d’influence unipolaire. En dernier recours, cependant, les États-Unis – l’île monde – de toutes les manières stratégiquement possibles, vont provoquer des blocages et déclencher une politique de terre brûlée, via une guerre hybride, dans le sillage de leur retrait stratégique vers leur « Forteresse d’Amérique du Nord » autosuffisante, avec en guise de dernier coup de grâce, une guerre par procuration contre la Chine.
Il est plus que probable qu’on n’arrivera jamais à ce stade dramatique où les États-Unis se retirent complètement de l’Afrique ou détruisent totalement ce continent par une guerre hybride. De manière réaliste, il y aura sans doute, au cours des prochaines décennies, un développement mélangé de scénarios se développant sur ce théâtre, chauffé à blanc par la compétition, scénarios intégrant des éléments des deux extrêmes. Il se pourrait que la Chine réussisse à mettre en place plusieurs couloirs ultra-stratégiques de développement de la « Route de la Soie » en Afrique, alors que les États-Unis en saboteront probablement quelques autres en provoquant une poignée de guerres hybrides pour empêcher indéfiniment les voies existantes d’actualiser pleinement leur potentiel géo-économique. Il n’y a pas de moyen infaillible de savoir avec certitude ce que l’avenir apportera, mais il est possible d’acquérir une hypothèse bien réfléchie sur la structure et la manière systémique avec laquelle le groupe d’États identifié sera visé par les guerres hybrides provoquées par les États-Unis.
Même en tenant compte de la possibilité que certains des futurs scénarios examinés soient naturels, en ce sens qu’ils nécessitent peu ou pas de pressions extérieures pour démarrer, il est fort probable qu’au moins certaines des possibilités étudiées se produiront à des degrés divers et que les répercussions géopolitiques auront sans conteste un impact très négatif sur la Chine et la position du monde multipolaire dans cette nouvelle guerre froide.