La pratique du Kiss-in gay, sorte de Big bisou de masse pour homos ne fait plus recette. Bruno Maillé, de Causeur, en tire ce cruel constat : la France manque d’intégristes cathos, d’homophobes. Pis, la guerre des ultra-catholiques contre les ultra-bisounours pourrait bien ne pas avoir lieu et virer au triste spectacle médiatique d’une "ri-rixe" entre deux communautés. Le néant.
Dimanche 14 février, dans une ambiance bon-enfant, le moderne a mordu le moderne a mordu le moderne. L’hommage à Philippe Muray organisé par “Kiss-in contre l’homophobie !”, SOS-Racisme, les “ultra-catholiques” et le “Collectif des gays pour le respect” a été un triomphe. Les acteurs de la comédie hyperfestive se sont avérés en très grande forme. Chacun a interprété son rôle magnifiquement, avec toutes ses tripes post-historiques.
L’histoire est admirable, du début à la fin. Les diverses sous-espèces du moderne s’y affrontent généreusement. Elle commence le 7 juin 2009, lorsque les intrépides Arthur Vauthier et Félix Pellefigues – même leurs noms semblent avoir été inventés par l’auteur des Roues carrées ! – organisent le premier kiss-in français à Paris place du Trocadéro et créent le mouvement “Kiss-in contre l’homophobie !”. Ce jour-là, ils permettent à la France de rattraper enfin son préoccupant retard en matière de kiss-in. Cette pratique de l’embrassage de masse dans des lieux publics, inventée par des militants gays américains dans les années 1980, s’est ensuite développée dans de nombreux pays. La raison pour laquelle elle ne s’appelle pas kiss-out demeure un peu mystérieuse.
"NOUS SOMMES EN MANQUE D’HOMOPHOBES"
La première kiss-pride française fut un immense succès. Pourtant, au lendemain de la fête, et les jours suivants, Arthur et Félix sentirent planer sur eux une ombre. Ils éprouvaient le sentiment diffus d’un manque. Cette sensation désagréable, qui les accompagnait étrangement au faîte de la gloire, ne les quittait plus. Après plusieurs semaines, soudain, ils purent enfin mettre un nom sur ce malaise obscur : “Nous sommes en manque d’homophobes !” Voilà ce qui avait secrètement miné leur première fête des bisous. Ils souffraient d’une carence d’homophobes ! Voilà ce qui avait rendu leur premier kiss-in si insipide, si fade, que même nos deux bisounours d’élite en avaient été incommodés.
Arthur et Félix trouvèrent rapidement le théâtre que réclamait leur deuxième kiss-pride : le parvis de Notre-Dame. Le lieu était parfait : un symbole admirable de l’homophobie, en même temps absolument dénué de tout danger réel. Les lieux ne manquent hélas pas en France où ils eussent pu se confronter à une homophobie musclée et parfaitement réelle. Mais, à lutte irréelle, adversaires irréels ! Telle était la devise des deux intraitables bisounours d’assaut.