Egalité et Réconciliation
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Jean-Luc Mélenchon, le candidat anti-Système adoubé par le Système

Préambule

L’avènement du « politiquement correct » a produit naturellement du « politiquement incorrect ». Mais il y a deux sortes de « politiquement incorrect » : le « politiquement incorrect » correct, et le « politiquement incorrect » incorrect…

Il y a deux sortes de stratégies : celle qu’on organise et qu’on applique, que ce soit dans le domaine militaire, professionnel, sportif, amoureux ou politique, et il y a celle qu’on applique sans le savoir, ou alors sans le dire. En général, celle des autres. C’est le cas des antifas, par exemple, qui travaillent objectivement pour l’oligarchie, puisqu’ils ont les mêmes cibles : les fascistes, la réinfosphère, la fachosphère, les dissidents, les malpensants, etc.

 

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Balayez-les tous, disait Lénine...

 

Nous ne ferons pas l’insulte à Jean-Luc Mélenchon de penser que sa stratégie présidentielle lui est dictée par des forces supérieures. Si cet homme est resté pendant 31 ans au Parti socialiste – principalement par fidélité à François Mitterrand et à ses idées – le nouveau leader de la gauche non socialiste n’est pas un perdreau de l’année. Son revirement politique de 2005-2008, contre lui-même et contre sa campagne pour le Oui à Maastricht (sous conditions) de 1992, est plus le signe d’une lucidité tardive – Pasqua et Seguin l’ont été 20 ans avant lui – qu’un petit calcul d’apparatchik. Quitter les pantoufles de sénateur socialiste (de l’Essonne) pour prendre part à la bataille pour la défense de la souveraineté du pays, rien de plus honorable.

 

Cela fait donc 10 ans maintenant que Mélenchon taille sa route, hors PS, puis contre le PS, et enfin contre le Système. La question est simple : un homme, formé par le trotskisme (plus précisément à l’OCI, l’Organisation communiste internationaliste, les lambertistes, dont Jospin a fait partie), passé par le PS et la loge maçonnique du Grand Orient de France (depuis 1983), peut-il devenir un ennemi du Système et le candidat du peuple  ? Ou du moins l’adversaire acharné du Système qu’il dit être ?

Mélenchon à Michel Drucker : « Oui, oui je suis en guerre contre un système. » (Vivement Dimanche, France 2, 7 novembre 2010)

Et d’abord, qu’est-ce que le Système ? C’est l’ensemble des forces médiatiques, politiques, économiques et militaires, les forces objectives du Capital dirait Karl Marx (ou Francis Cousin), forces qui concourent à la falsification de la démocratie actuelle, qui est en réalité une oligarchie. Un petit nombre de hiérarques, mélangeant capitaines d’industrie du CAC40, propriétaires des grands médias, crème du Renseignement, état-major militaire, banques d’affaires (il n’y en a pas 36), sans oublier les lobbies qui dictent leur loi et organisent la répression, voilà le Système. Un entrelacs d’intérêts qu’on appelle aussi l’État profond. Il contrôle les flux financiers, les nominations politiques (quel que soit le vote populaire), les lois, la justice et la police. Il décide aussi, accessoirement des candidats à l’élection présidentielle. Facilite le parcours des uns, obstrue celui des autres...

 

 

Si Jean-Luc Mélenchon s’attaque à la Finance – celle que dénonçait François Hollande avant de filer ventre à terre rassurer la City une fois élu – à coups d’opérations choc comme l’occupation de l’agence de notation Moody’s (opération « andouillette » en 2011), cela ne va pas jusqu’à refuser le prêt de 1 million d’euros pour lancer sa campagne en avril 2012. Si les masses ne sont pas comparables, il y a quand même le bon argent de gauche et le mauvais argent de droite !

Conclusion intermédiaire de cette longue introduction : cet homme peut-il incarner les forces anti-Système qui se lèvent depuis une décennie en France ? Sachant que le Front national de Marine Le Pen les incarne beaucoup plus nettement. Une affirmation qui n’est pas une préférence de notre part, mais la conséquence d’un fait tout simple : le FN et ses dirigeants ont été mille fois plus attaqués – et le sont encore – que le Parti de Gauche, puis le Front de Gauche, et enfin la France insoumise à travers ses dirigeants. Les attaques du Système sont sans commune mesure. On n’ignore pas, dans cette compétition pour rafler les voix des mécontents et/ou des réinformés, que la campagne de Mélenchon en 2011-2012, alors allié au Parti communiste, a été sabotée dans les médias dits de gauche. Le système médiatique, pour le coup, l’a cloué au pilori, afin, probablement, de donner toutes ses chances au candidat du Parti socialiste, d’abord DSK, puis Hollande. Une part du ressentiment de Mélenchon à l’égard des médias vient de là. L’autre part, moins passionnelle, vient surtout d’un calcul politique classique, celui de siphonner les voix à la concurrence lepéniste.

 

Jean-Luc Mélenchon, l’homme qui avançait à contre-courant (du PS)

La lutte contre le FN, c’est le fil rouge du documentaire de Gérard Miller consacré à Jean-Luc Mélenchon. Au-delà de ses racines méditerranéennes, le candidat à sa seconde élection présidentielle explique son parcours par l’incarnation des idéaux et de l’utopie de gauche, mais aussi par la volonté de renseigner les électeurs de gauche passés au FN sur le danger fasciste. On utilise ses propres mots, bien entendu. Fasciste, un qualificatif tellement utilisé, à tort et à travers, qu’il ne fait plus peur à grand monde. Pendant que nous écrivons ses lignes, la presse et la télévision poursuivent sans relâche leur entreprise de diffusion d’articles et de documentaires « préventifs » sur la menace fasciste qu’a connue l’Europe entre 1920 et 1945. Le devoir de mémoire est permanent.

Mélenchon s’inscrit d’ailleurs dans ce grand mouvement dicté par la partie idéologique des forces qui composent l’oligarchie – à savoir le lobby sioniste, incarné par le CRIF et la LICRA – en arborant le triangle rouge des déportés politiques antinazis. Une façon de porter l’étoile jaune sans la porter ?

« On peut avoir pour des raisons légitimes une détestation absolue des positions de l’extrême droite en France… Les ancêtres de ces gens-là – l’extrême droite européenne – ont envoyé non seulement les juifs que l’on sait mais les socialistes et les communistes dans les camps de la mort donc depuis je porte le triangle des déportés communistes… » (Le Grand Journal, Canal+, 7 décembre 2010)

On touche là au problème fondamental de Mélenchon : la sincérité de son parcours, ainsi que celle de son discours, est tout le temps ponctuée de signes d’appartenance ou d’allégeance aux forces oligarchiques précitées. Ainsi, après son signal fort envoyé aux associations communautaires qui défendent et imposent le devoir de mémoire, le credo anticapitaliste du candidat se trouve très édulcoré par sa proximité avec le fils de Marcel Dassault, qui règne sur l’aviation militaire (et un peu civile) française. Un groupe qui pèse 10 milliards d’euros. Personne ne conteste à Jean-Luc sa passion pour les avions, lui qui raconte avec émotion son vol sur Concorde entre Paris et Rio, 4 heures supersoniques inoubliables. Personne non plus ne peut l’empêcher de vivre et d’évoluer dans une France relativement capitaliste, dans laquelle il tire sa substance.

 

 

Tous ces signes parallèles, accumulés, dessinent un personnage à double face : une face publique sociale, populaire, généreuse, gueularde, engagée, utopique, et une autre, plus obscure, faite de triangles rouges, de Grand Orient, de trotskisme, de combinazione et de braquage d’électorat populaire. Un pro de la politique politicienne qui a su trouver les mots pour se nettoyer de l’infamante accusation d’appartenance à l’élite. Une accusation qui vaut perte de crédit populaire immédiate, de nos jours. Surtout à gauche.

 

Du Mélenchon anti-PS puni par le Système au Mélenchon anti-FN applaudi par le Système

De fait, on reconnaissait dans le public, les pairs de BHL : des intellectuels, des écrivains. De Christine Angot à Régis Jauffret, de Yannick Haenel à Jacques-Alain Miller, de Philippe Val à Gérard Miller, de Gabriel Matzneff à Karine Tuil, de Raphaël Glucksman à Romain Goupil, en passant par Atiq Rahimi, de Pascal Bruckner à Olivier Zahm et Christine Orban et à d’autres, beaucoup d’autres, tous étaient là, présents à ce rendez-vous de l’amitié et de la défense des valeurs d’engagement. (laregledujeu.org, le blog de BHL, le 27 mai 2016)

Le simple fait que Gérard Miller, « pair » de BHL et symbole de la gauche libertaire financée par l’oligarchie à travers le service public (ça coûte moins cher à la dominance de faire payer aux Français via la redevance télé la propagande qui va les intoxiquer) fasse une hagiographie du candidat, montre que cela s’inscrit dans une stratégie, que le candidat lui-même ne peut ignorer. Il est fini le temps où Mélenchon se faisait houspiller sur les plateaux télé, ignorer par le staff de France 2 le soir de la victoire du Non au référendum européen le 29 mai 2005, railler par les chroniqueurs ultralibéraux du Grand Journal, ridiculiser par les économistes des chaînes d’info continue…

Aujourd’hui, les portes du Système s’ouvrent grandes devant l’Homme-qui-peut-prendre-des-voix-au-FN. Un revirement qui se matérialise par l’extrême complaisance de la journaliste Ruth Elkrief à l’égard du mouvement de la France Insoumise, incarné par sa charmante dircom, Sophia Chikirou. Voir Elkrief aussi détendue fait plaisir, elle qui n’est habituellement qu’invectives et inquisitions à l’encontre des gauchistes, syndicalistes et autres malpensants. La féroce gardienne de la prison médiatique sourit à la « dissidence » ! Abradadabra, magie, changement de cap du Système : Mélenchon est désormais systémo-compatible. Et ce, au moment où le candidat développe une campagne anti-médias et anti-Système à grande échelle (en plein dans les fondamentaux du FN) ! Joli conflit d’extensions dans le logiciel mélenchonniste.

 

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Gérard Miller regarde Jean-Luc Mélenchon préparer son discours

 

Si l’homme n’a pas changé, son appréciation par la couche politico-médiatique supérieure a, elle, changé : Mélenchon ne pouvait pas servir en 2012, il peut servir en 2017. La preuve en images, celles de Gérard Miller. Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit détour sur ce psychanalyste-hypnotiseur-réalisateur.

 

Gérard Miller, « pair » de BHL et réalisateur de gauche (prolétarienne)

Un psychanalyste assez flou, son frère seul exerçant sérieusement et gérant l’héritage lacanien, après bien des batailles. Héritage spirituel, s’entend. Gérard Miller est surtout connu pour ses emportements dans OATE, On a tout essayé, l’émission de bande de Laurent Ruquier (2000-2007). Miller y officiait comme le chroniqueur intellectuel « de gauche ».

Dans les faits, une quotidienne à 90% à gauche, sauf quand le survivant du Loft Steevy Boulay est allé – le malheureux – rouler pour Sarkozy lors de sa campagne présidentielle 2006-2007. Un âne pour Sarko, s’est alors moquée la presse. L’émission sera attaquée pour préférence politique, ce qui est gênant sur le service public. Gérard Miller, lui, n’oubliera pas de toucher ses 1 500 euros par apparition, plus des droits d’auteur pour ses prestations minutées, qu’il aura négociés en douce avec la chaîne. Une nouveauté, dans une émission chorale. Mais une nouveauté qui lui permettra d’acquérir un bel hôtel particulier à Paris. Après la fin de OATE, Miller conservera de bonnes relations avec France Télévisions, qu’il utilisera pour faire tourner sa société de production audiovisuelle Et Deux cafés l’Addition. Il produira ou coproduira nombre de documentaires pour France 3, axés sur le psychanalytique, le politico-médiatique mais aussi le sexuel, à travers ses sujets sur les adolescent(e)s, la tentation, les interdits...
Le réalisateur Miller travaille exclusivement pour France 3, une chaine dont la direction des programmes est assurée par une femme, Dana Hastier, dont Libération a taillé le portrait.

« Je me sens très française, avec un grand attachement à Israël, où je vais souvent, dit-elle. En revanche, je n’ai pas une grande passion pour la Roumanie. Il y a la tache de la Seconde Guerre mondiale et d’un régime collaborationniste. »

Dana garde un souvenir ému de son enfance :

« J’ai vécu à Tel-Aviv de mes 4 ans à mes 8 ans. Je me souviens du sable par terre, d’un sentiment de liberté. Les meilleurs souvenirs de mon enfance. »

Ne nous éloignons pas trop de Miller, même si son réseau a de l’importance. Ce dragueur impénitent qui n’hésitait pas à brancher les minettes en plateau pendant les enregistrements disparaîtra des écrans, mais poursuivra sa double carrière télévisuelle et psychanalytique, sa notoriété lui apportant sujets sur commande et proies sur divan. Il se fera pincer en 2014 dans la liste des people à compte bancaire suisse (HSBC), mais arguera qu’il s’agissait d’un compte ouvert par son père, juif polonais, après la Seconde Guerre mondiale. Politiquement, cet ex-Mao (de la GP, gauche prolétarienne) fait dans le rose et le rouge. Il prend fait et cause pour Mélenchon en 2011 et réalise en toute « logique » en 2016 le documentaire qui nous intéresse. Un documentaire n’est jamais innocent : toujours savoir qui le réalise, pourquoi et pour qui. Voilà pour Miller, passons à Mélenchon.

 

« Je suis le bruit et la fureur, le tumulte et le fracas, celui de notre temps de notre époque ! »

Jean-Luc Mélenchon, beaucoup de bruit pour rien

Maxime Gremetz de Mélenchon : « Y a plus qu’un ouvrier à l’Assemblée nationale, un seul [Gremetz parle de lui-même]… C’est un grand intellectuel, il [Mélenchon] connaît pas la classe ouvrière… Il a déjà vu un ouvrier, il a déjà vu une entreprise, hein ? […] Il sait pas ce que c’est, il parle de choses qu’il connaît pas… Je sais ce qu’est Mélenchon. Mélenchon il a été frotter les bottes de Jospin, il a été s’accroupir, donne-moi un secrétariat d’État ! » (Dimanche+, Canal+, 3 avril 2011)

Miller, de sa voix off suave et empesée, à la Frédéric Mitterrand mais dépouillé du lyrisme, nous parle comme à des enfants, et présente un Mélenchon romantique, révolutionnaire, proche du peuple, remplissant ses meetings d’une foule débordante d’amour. Pour un peu, ce serait le Christ du Front de Gauche, adoré par les employés, les ouvriers, qu’il ose rencontrer dans leur milieu naturel : les terribles usines, ces abattoirs humains cachés du Grand Capital. Si Miller ne tombe pas dans le piège de la sincérité la main sur le cœur – il s’agit somme toute d’un bon gros ratissage de campagne – il ne dédaigne pas la démagogie, mais de gauche. Celle du camp du Bien.

 

Campagne 2012, place de la République : « Nous sommes le drapeau rouge ! Et le rouge du drapeau ! »

Les sentences de Jean-Luc réchauffent le cœur des pauvres et ont l’avantage de ne pas manger de pain. C’est pour cela que l’oligarchie l’aime bien : c’est un distributeur de rêve, un lyrique qui fait son effet – placebo – le temps d’un meeting, comme celui de Lyon du 5 février 2017. Un prozac social à bas coût. Sur son passage, ne manquent plus que les miracles, les machines déclassées du capitalisme familial français qui remarchent, les ouvriers qui retrouvent des emplois grassement payés dans la métallurgie, les salaires qui doublent, triplent, quadruplent !, le fascisme nauséabond qui se tapit sous terre, en glapissant… Cette posture pratique dans le Camp du Bien (à venir) est éminemment télégénique, ses discours tapent au cœur de la mémoire collective de gauche, Front Pop, 36, grève générale, lendemains qui chantent, Internationale...

 

 

Yvan Le Bolloc’h, guitariste néo-manouche, confirme l’empathie : « C’est quelqu’un qui te met la main sur le bras, c’est quelqu’un qui n’a pas peur du contact physique. » Cela ne fait pas un programme, mais du bien. Ça tombe bien, pour le camp du Bien.

 

Casser le rassemblement populaire français

Mélenchon : « Je suis très fier d’avoir réussi à gâcher la campagne électorale de la famille Le Pen. Maintenant tout le monde sait qu’il y a au moins une personne qui pense que la dédiabolisation n’est pas possible, parce qu’elle est le diable, c’est-à-dire le mal ! » (C Politique, France 5, 19 février 2012)

Rapidement, dans le documentaire, on comprend la clé de la stratégie médiatico-politique de la paire Miller-Mélenchon : il ne s’agit pas de combattre pour la France mais contre le FN. L’oligarchie peut ainsi regarder ce qu’elle appelle « extrême droite » et « extrême gauche » se faire la guerre dans un combat sans gagnant, où seul le peuple sort perdant. Conflit triangulé. Parce que la solution, c’est la cimentation de la droite des valeurs et de la gauche du travail. Or tout le travail de Mélenchon, soutenu par Miller, l’envoyé d’un réseau bien plus puissant, consiste à empêcher la réconciliation des deux peuples qui ferait contrepoids à l’oligarchie. Et qui serait beaucoup plus difficile à dominer.

« L’extrême droite a toujours hypnotisé le grand nombre avec les thèmes qu’elle emprunte au vocabulaire de la gauche pour se les approprier [ce qui est historiquement inexact, NDLR]. Quand vous voyez que madame Le Pen parle des fois comme un tract de la CGT, la honte c’est pas pour la CGT, c’est pour madame Le Pen qui n’en pense pas un mot. »

Pour éviter de tomber dans le panégyrique de bas étage, et que l’ingénierie se voit trop, Miller convoque quelques critiques formelles sur le personnage et son positionnement. Illustration par Luc Alemagna, auteur de Mélenchon le plébéien :

« Le danger c’est que en utilisant parfois certaines techniques, certains mots de l’adversaire, on légitime quelque peu, on banalise également le discours de Marine Le Pen, de l’extrême droite notamment sur les élites, notamment sur l’Europe, sur les travailleurs détachés, faire appel aux sentiments les plus primaires de la population est un risque pour Jean-Luc Mélenchon, il vaut mieux que ça. »

C’est pourtant ce qu’« on » lui demande de faire ! Mordre sur les méthodes et l’électorat du FN, afin de garantir à la Dominance le maintien de son pouvoir à court et moyen terme. De là à dire que c’est la fonction objective de Mélenchon dans la structure oligarchique, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas, car la sincérité des uns peut être intégrée dans le calcul des autres. C’est le drame des antifas. Dans la bouche de Mélenchon, et dans celle de Miller, c’est la droite patriotique qui est illégitime :

« Sur l’extrême droite, sur ses mensonges, sur sa capacité de détourner la colère populaire, en particulier contre les immigrés [faux, c’est contre l’immigration, NDLR], Jean-Luc Mélenchon fut ce jour-là intarissable. »

Son enfance à Tanger donne à Mélenchon une formidable légitimité antiraciste ainsi qu’une armure contre toutes les accusations :

« Le départ d’Afrique du Nord est une blessure qui me met en communion avec la sensibilité de n’importe quel immigré, je sais ce qu’il ressent, c’est pourquoi certains discours me paraissent insupportables »

 

Le sien, de discours, est rodé, et ce, depuis plus de 40 ans. D’abord meneur à 17 ans en 1968 du mouvement lycéen de Lons-Le-Saunier, puis leader de la Fac de Besançon à 26 ans, Jean-Luc entre au PS en 1977, perfectionne ses talents oratoires – « hors du commun » dit le doc – au Sénat, cette école de la « précision ». Après une partie biographique très factuelle, on entre dans la magie Mélenchon. Le moment du basculement entre l’apparatchik socialiste et le leader du Non au référendum de 2005, le moment où Jean-Luc est devenu Mélenchon. Un basculement qu’il décrit lui-même :

« Je sais pas ce qui me prend, au milieu du discours, je commence à leur dire “votez pour les châtier”, les importants, les belles personnes… “Votez” leur dis-je, “votez votez votez pour les châtier”, et je sais pas ce qui se passe dans la salle, tout le monde se lève et se met à crier ! Ce moment est déflagrateur parce que je me dis mon Dieu, j’ai fait partie de ceux qui tenaient le couvercle sur ces gens qui sont là et qui à cet instant, ouf la porte est ouverte, et leur énergie se lâche. Et je date de ce moment–là vraiment ma rupture affective avec le monde duquel je viens, à ce moment-là, je ne suis plus le sénateur socialiste que j’étais, je redeviens une de ces personnes qui mettent des petites laines sur la blouse, c’est la blouse de ma grand-mère, c’est les gens qui m’ont entouré, je sais que je suis avec eux. »

Carrément l’épisode de Moïse devant le buisson ardent, la Révélation... populaire ! Une blouse, celle des « petites gens », qu’il endossera dans son meeting anti-Le Pen de Lyon, le 5 février 2017. Comédien ! Artiste !

Marine Le Pen : « Tout ça c’est du cinéma, c’est un grand comédien monsieur Mélenchon. Il éructe il menace il insulte devant les caméras mais hors caméras c’est un homme charmant, affable, presque un petit garçon ! » (Dimanche+, Canal+, 5 février 2012)

Transfiguré, Mélenchon prend alors la tête de la contestation de gauche. Il s’éloigne définitivement du PS, « rompt avec la social-démocratie », nous sommes en novembre 2008. Mais il ne veut pas, à l’image de Chevènement, « s’isoler ». Il crée le Front de Gauche à 57 ans et commence à s’attaquer aux journalistes. On notera le parallélisme entre la montée du FN et celle de Mélenchon, à cette différence près que le milieu médiatique attaque les Le Pen, tandis que c’est Mélenchon qui attaque le milieu médiatique… Comme s’il voulait créer artificiellement cette distance à l’élite qui plaît tant au peuple. Les inoffensifs Christophe Barbier et Alain Duhamel, ses deux têtes de Turc, n’en reviennent pas de la violence des propos. Peut-être n’ont-ils pas compris la manip. On ne refait pas un trots !

Barbier : « Il a considéré à un moment donné que pour avoir le vote populaire, il fallait partir en guerre contre les élites, notamment la partie la plus visible des élites, l’élite médiatique ; donc il a fait de l’invective du journaliste, quand ce n’était pas de l’insulte, une arme politique … »

 

Pour le reste, le positionnement politique, Mélenchon reste dans la cohérence de la gauche anti-impérialiste des années 70, qu’on avait un peu perdue de vue depuis les concessions ou les soumissions du PS à l’oligarchie européiste et mondialiste. Son revirement de dernière minute sur les migrants (sûrement devant les sondages qui font remonter les craintes du peuple français devant l’invasion programmée) montre là encore les limites de ses convictions et de sa sincérité « gauchiste » : il s’agit avant tout de marquer le FN à la culotte et donc d’adapter son discours à ce qui marche… en face. Traduction : on met le bémol sur l’antiracisme, et on tripatouille le chaos migratoire pour en faire une menace pour le tissu social et le travail. On reste dans le marxisme et l’opposition Capital/Travail, le tour est joué. En même temps, Mélenchon communique sur le fait que la résistance du FN à l’invasion sorossienne n’est qu’une dangereuse résurgence raciste. Second tour de passe-passe : récupérer la gauche du travail, et un peu de droite des valeurs sous prétexte de sauvegarde des acquis sociaux. Tout fait ventre !

Pour ne pas trop encenser son sujet – on rappelle que Miller est un jouisseur libertaire protégé par l’oligarchie alors que Mélenchon fait dans la gauche sociale, illustration de l’opposition réelle entre le sociétal et le social –, Miller fait intervenir le vieux sénateur Henri Weber, au croisement de bien des montages politiques. Il y défend «  la gauche de gouvernement » contre les utopistes :

« On exprime moins la colère que ceux qui sont dans l’irresponsabilité totale, qui sont vierges de tout bilan, qui n’ont de comptes à rendre à personne de ce point de vue-là et qui en conséquence peuvent toujours aller dans la surenchère et dans la proposition maximaliste »

Sur le programme économique de Mélenchon (que personne n’a pris le soin d’analyser à fond, puisque Mélenchon ne peut devenir président, et que sa fonction réelle n’est pas dans la force de proposition économique), Weber poursuit :

« C’est un programme qu’on peut discuter pendant les 30 Glorieuses, mais programme impraticable en économie mondialisée avec croissance de 1% »

 

Tout à fait, mais justement, ça n’est pas le problème de Mélenchon ni de ses adeptes. L’utopie ça sert à rameuter les foules, à les électriser, à les hypnotiser (ce qui doit plaire à Miller), pas à appliquer un programme infaisable. Et quand Mélenchon propose de définanciariser l’économie, on croirait entendre le pitoyable François Hollande avec son « ennemie la Finance ». Si tout le monde – sauf les gogos – zappe le programme économique de Mélenchon, qui a été pendant 8 mois discuté par les militants, établi par les cadres, et fondu en un petit livre programmatique (pas cher), c’est que le candidat est là pour autre chose. La communication de Mélenchon est donc à double couche : une à destination du peuple, l’autre pour l’oligarchie, qui a très bien compris de quoi il retourne, et qui lui ouvre ses portes.

Comment comprendre autrement les sourires anormaux de la très libérale et très élitiste Ruth Elkrief pendant le meeting du dimanche 5 février 2017 à Lyon ? La représentante de l’info de BFM TV n’était que sourires et attentions envers la dircom de Méluche, la très jolie Sophia Chikirou, cette brune méditerranéenne incendiaire… On a connu Elkrief plus brutale, notoirement avec les syndicalistes, et on ne parle même pas de Dieudonné ou de Soral, qui n’ont pas eu l’honneur d’accéder à son plateau... pour s’y faire probablement incendier.

 

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Sophia Chikirou et Ruth Elkrief sur la même longueur d’ondes

 

Mélenchon le roublard envoie un double message : l’un fantasmatique pour les Français en mal de justice sociale – et on comprend leurs attentes –, l’autre pour la dominance, qui surveille les propos des uns et des autres comme le lait sur le feu. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que Mélenchon sait à merveille ne pas déraper ! Ses dérapages sont curieusement très contrôlés. C’est là qu’on peut mesurer la sincérité de son engagement pour le peuple ou contre les élites, qu’il a côtoyées pendant des décennies, et dont il fait, au fond, partie. Mais il reprend du service « peuple » pour l’oligarchie. Même Fillon a reçu les foudres du lobby lorsqu’il a mis en doute les « traditions » dépassées, visant en cela la circoncision.

En conclusion, on l’aura compris, Mélenchon, que personne ne déteste dans le milieu médiatique (au contraire, on applaudit sa verve et son sens de la formule), attaque ce dernier gratuitement pour obtenir le statut très envié de paria, preuve ultime de sincérité, qui plaît tant au peuple, tant il symbolise ce que le peuple lui-même ressent : il se sent paria dans son propre pays ! Un positionnement artificiel pour coller aux basques du FN, qui lui, forge sa puissance sur le rapatriement de la souveraineté, base de toute relève. Car la France souffre de sa souveraineté perdue. Une souveraineté pas perdue pour tout le monde : elle gît dans un coffre, bien caché, et seul un petit nombre en connaît le code…

La gauche du travail, la droite des valeurs, et ceux qui les séparent,
lire sur Kontre Kulture

 

La face cachée de Mélenchon, sur E&R :

 
 






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  • #1662611

    Bonne critique de JLM, de la sincérité duquel je doute fort. Comme c’ est le cas de beaucoup d’ entre nous, un simple effort de critique semble vous avoir épuisé et vous n’ apercevez de MLP que les provocations calculées à l’ égard de l’ établissement : un regard légèrement acéré sur ses sympathies sionistes et étatsuniennes (*), sur le fond de sa "pensée" relative l’ UE serait le bienvenu.
    (*) datant de bien avant le triomphe réjouissant (pour l’ instant) de Trump.

     

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  • #1662675
    Le 10 février 2017 à 14:48 par demitrius
    Jean-Luc Mélenchon, le candidat anti-Système adoubé par le Système

    Il ratisse large et doit reprendre des voix aux déçus de tous bords. A part pour les animaux, il méprise la France et ne s’en cache pas, mais ça, on ne le verra jamais à la télé officielle https://www.youtube.com/watch?v=rJN...

     

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  • #1662794

    Il est pour moi évident que cet homme, par ailleurs souvent sincère dans son aveuglement et bon tribun, roule contre le FN et rien d’autre. Un recours ? Il est bien au service d’un système qu’il dit vouloir disparaître et n’est pas à une contradiction près. Les gens s’en rendent de plus en plus compte.
    Vous vous rappelez le score qu’il avait fait aux élections régionales ? Moins de 4%. Il voulait partir "le pauvre", il pleurait presque. Alors tout à coup il est remonté et va changer le monde ? Comme avant chaque élection ? Triste à en pleurer. Européaniste convaincu, cet homme est au service de la finance, petit bourgeois qu’il est. Mais bon chuuuuuutttttt, il ne faut pas le dire.

     

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  • #1662847

    Pas utile d’attaquer Mélenchon. Il est fini.

    Sa seule chance, c’était une victoire de Valls aux primaires, avec un affrontement direct Valls - Macron, qui lui aurait permis de récupérer l’aile gauche du PS. Et là, il aurait pu franchir le seuil critique des 15% voire atteindre les 20 et accéder au second tour.

    Là, il va se faire grignoter par Hamon. A eux 2, ils vont se battre pour 20% à se partager. Hamon a pour lui les structures du PS, ses réseaux, ses soutiens locaux. Hamon n’a pas la consistance idéologique de Mélenchon, mais il a 20 ans de moins, il est habile à la TV, il va séduire les jeunes gauchistes de base, étudiants nuit-debout, etc. Je ne serais même pas surpris que le PCF trahisse Mélenchon, si Hamon reste devant lui des sondages.

     

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  • #1662928
    Le 10 février 2017 à 20:38 par Georges 4bitbol
    Jean-Luc Mélenchon, le candidat anti-Système adoubé par le Système

    L’insincérité transpire par tous les pores et la voix de ce social traître, il faut avoir une couche de couenne à la place du cerveau pour ne pas le voir.

     

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  • #1663838
    Le 12 février 2017 à 10:45 par Gopfdami
    Jean-Luc Mélenchon, le candidat anti-Système adoubé par le Système

    Mélenchon a certainement des élans de lyrisme populaires sincères mais lorsqu’il faudra prendre "la décision ultime" à savoir donner la consigne de vote du 2ieme tour (comme si un citoyen digne de ce nom, fort de son libre-arbitre avait besoin qu’on lui prenne la main) le naturel reviendra au galot et Mélenchon (enfant du "système") tombera le masque en exhortant ses électeurs à voter contre le FN. Sauf que certains citoyens voteront pour Mélenchon au premier tour et voteront Marine au second (si Mélenchon n’y est pas) car ce qu’ils veulent, c’est un candidat populaire, proche des "sans-dents".

     

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  • #1664631

    Le Nouvel Ordre Mondial n’a que trois appuis (la "fameuse" Tri-latéralité, copiage et inversion complète de notre Trinité sanctifiante) : la finance, la guerre et la synagogue et il suffit de casser un seul de ces trois piliers pour que le Nouvel Ordre Mondial se pète la gueule.
    Dans l’Ordre Naturel des Choses, il y a le Théologique, le Judéo-Christique et le Cosmique, trois appuis certes oubliables mais foncièrement indestructibles.

     

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  • #1665147
    Le 14 février 2017 à 09:32 par Clémouse
    Jean-Luc Mélenchon, le candidat anti-Système adoubé par le Système

    Quand est-ce qu’on verra Marine faire une déclaration sur le CRIF ?
    Non, je dis ça parce que je me rappelle de la consigne d’Alain Soral :
    "Il faut voter pour le moins sioniste...".

     

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    • #1665181
      Le Février 2017 à 10:45 par Le Pen, vite !
      Jean-Luc Mélenchon, le candidat anti-Système adoubé par le Système

      Marine est la moins sioniste des candidates, et de très très loin. Tout simplement parce que le CRIF se mobilise à chaque élection contre elle de façon spécifique, et uniquement contre elle.
      Le CRIF ne s’est jamais attaqué aux autres de façon aussi hystérique et systématique à d’autres (menace fasciste, racisme, antisémitisme, heures les plus sombres de notre histoire et autre totems, etc.).
      De sorte que c’est l’ennemi de la France lui-même, Israël, qui désigne Marine comme la candidate la moins sioniste, et c’est lui le mieux placé pour savoir qui est le moins sioniste  !

       
    • #1666200

      Les attaques de melenchon sur le CRIF n’ont eues aucune conséquences. Si Marine avait dit le même chose, ce serait l’hystérie médiatique.

       
  • #1670204

    En voici un qui serait bien emmerdé si il arrivait au pouvoir...

     

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  • #1672905
    Le 25 février 2017 à 11:52 par Махсуд Махкамов
    Jean-Luc Mélenchon, le candidat anti-Système adoubé par le Système

    C’est beaucoup plus ambigu que ça... Trois marqueurs importants : Mélenchon a rendu hommage à Chavez contre les mérdiats, il a placé la mère Thatcher en enfer en guise d’éloge funèbre et a soutenu le Donbasse.

    S’en ajoute un quatrième, apparu après l’édition de cet article : son exclusion du dîner du CRIF, décision justifiée par sa "haine"...

    Mélenchon a beau avoir été formé par les trotskystes et avoir été européiste à un moment donné, il a aussi le droit de changer.

    Ce qui me ferait jouir, ce serait de le voir arriver au second tour face à Marine... Rien que pour voir leurs gueules à la télé, ça serait mythique.

     

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    • #1672912
      Le Février 2017 à 12:03 par Le Pen, vite !
      Jean-Luc Mélenchon, le candidat anti-Système adoubé par le Système

      il a aussi le droit de changer.




      Pas crédible. Pour preuve, il ne s’est jamais repenti de ses fautes politiques gravissimes que sont le soutien à la politique mondialiste et européiste du PS. N’était-il pas suffisamment intelligent à l’époque où il appelait à voter OUI au traité de Maastricht instaurant l’UE et la monnaie unique ?

      S’il était réellement patriote, il serait favorable à la souveraineté de la France et donc à la maîtrise de ses frontières nationales.
      Il a appelé à voter Le Pen et pas François Hollande... A-t-il reconnu son erreur ? Promet-il maintenant de ne plus la reproduire en 2017 ? Tout le monde connaît la réponse.

       
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