Le territoire irakien est traversé par deux fleuves, à savoir le Tigre et l’Euphrate. Ces derniers représentent près de 80% des 106 milliards de mètres cubes d’eaux de surface. Or, déjà, il se trouve que ce niveau est insuffisant pour répondre aux besoins de la population, de l’agriculture et de l’industrie.
Avant d’arriver en Irak, les deux fleuves traversent la Turquie et la Syrie, ce qui n’est pas sans provoquer de discordes entre ces trois pays. Cela est notamment avec le projet « Anatolie du Sud-Est », lancé par et visant à construire 22 barrages sur les bassins versants du Tigre et de l’Euphrate. Pour Damas et Bagdad, la crainte est de se retrouver avec des débits insuffisants de ces cours d’eau pour couvrir leurs propres besoins.
Par le passé, cette situation, héritée de l’accord Sykes-Picot et de la chute de l’empire Ottoman à la fin de la Première Guerre Mondiale, a failli dégénérer en guerre. Dans les années 1970, l’Irak voyait d’un très mauvais oeil la construction de barrages sur l’Euphrate par le régime syrien.
En 1990, la Syrie dût faire face à la fermeture des vannes décidée par Ankara afin de remplir le lac du barrage Atatürk. Plus tard, les autorités turques agitèrent la menace de recommencer à nouveau pour contraindre Damas à cesser d’apporter son soutien au chef kurde Abdullah Ocalan.
Pour ce qui concerne plus précisément l’Irak, l’offensive jihadiste lancée la semaine passée, fait peser un grand danger sur la distribution de l’eau dans le pays, en particulier vers les provinces du sud, à majorité chiite.
Ainsi, au début de cette année, l’Etat islamique d’Irak et du Levant (EIIL) s’est emparé de Falloujah, ville près de laquelle a été construit un barrage sur l’Euphrate, qui sert à l’irrigation des terres alentour et à l’adduction d’eau. En avril, les jihadistes ont fermé 8 des 10 vannes de l’ouvrage et inondé les terres avoisinantes, provoquant une chute du débit. Les régions situées en aval n’ont pratiquement plus été alimentée. Outre la consommation de la population, cela a affecté les exploitations agricoles et la production d’électricité.
« Se servir de l’eau comme d’une arme et assoiffer les populations constitue un crime abominable », avait dénoncé, à l’époque, Oun Dhiyab, un conseiller au ministère irakien de l’Eau. Finalement, les jihadistes, voyant qu’ils risquaient d’engloutir sous les eaux leurs propres bastions, ont décidé de rouvrir partiellement les vannes.
Seulement, avec la prise de Mossoul et la province de Ninive, la semaine dernière, l’EIIL est en mesure de mettre la main sur un autre barrage, le plus important du pays, cette fois construit sur le Tigre, et connu autrefois sous le nom de « barrage Saddam ». Outre le risque de voir ses vannes fermées, il présente un autre danger, lequel inquiétait déjà les ingénieurs des travaux publics américains en 2007.
« En terme d’érosion interne potentielle des fondations, le barrage de Mossoul est le plus dangereux barrage au monde (…). Si un petit problème survient au barrage de Mossoul, un effondrement est probable », avançait un rapport du corps des ingénieurs de l’armée américaine (ACE). Et qu’il soit désormais aux mains des jihadistes est un « gros » problème…
À la même période, un article du Washington Post indiquait, en citant le directeur du barrage, Abdulkhalik Thanoon Ayoub, qu’en cas de rupture, une vague de 5 mètres de haut pourrait submerger certaines parties de Bagdad.
D’autres barrages ont été construits dans le nord de l’Irak, comme à Ramadi (sur l’Euphrate) et Samarra (sur le Tigre), deux autres villes menacées par l’avancée des jihadistes. Entre les deux se trouve le lac réservoir de Tharthar.