Si vous n’êtes pas dans les affaires, vous n’avez probablement jamais entendu parler de Michael et Yoël Zaoui. Ces banquiers français viennent de travailler, dans le plus grand secret, sur la gigantesque opération financière entre L’Oréal et Nestlé révélée le 11 février, en conseillant la famille Bettencourt Meyers. Au cœur de toutes les grandes fusions du capitalisme français depuis vingt ans, le plus souvent dans des camps opposés, les frères Zaoui ont accepté de raconter leur histoire à Tim Bouquet, pour Vanity Fair.
Les hostilités avaient commencé à la fin des années 1980. Pendant deux décennies, aucune multinationale européenne n’allait y échapper. Chacune devait avaler son concurrent pour croître, rafler de nouveaux marchés ou simplement sauver sa peau. Dans cette guerre sans merci, les financiers du Vieux Continent, habitués à des déjeuners aussi longs que leurs cigares, découvraient les méthodes des jeunes banquiers formés aux États-Unis qui se comportaient comme des boxeurs poids lourds sur un green de golf. Ils travaillaient sept jours sur sept, multipliaient les coups et menaient des combats épiques. Sur leurs conseils, Total Fina avala Elf (1999), Alcan ne fit qu’une bouchée de Péchiney (2003), Sanofi absorba Aventis (2004), Pinault-Printemps-Redoute mit la main sur Gucci (2004) et Mittal s’empara d’Arcelor (2006).
À première vue, ces opérations historiques n’avaient aucun point commun, sinon la démesure des sommes engagées – 176 milliards de dollars au total. En réalité, deux frères aussi discrets que redoutables se trouvaient au cœur des transactions : Michael et Yoël Zaoui. Le premier dirigeait le département fusions et acquisitions de la banque Morgan Stanley en Europe, le second officiait chez sa rivale Goldman Sachs. Le Financial Times a un jour relevé avec ironie :
« Il y a un bon moyen de sortir vainqueur d’une OPA compliquée : engager l’un des frères Zaoui. Mais quand la partie adverse a la même idée, le temps se gâte. »
Le 11 février 2014 était révélé l’un des plus beaux deal financiers de ces dernières années : le rachat par L’Oréal de 8 % de son capital détenus jusqu’alors par son partenaire suisse Nestlé. Derrière cette opération à 6 milliards d’euros, qui tord le cou aux rumeurs de désengagement de la famille Bettencourt dans L’Oréal, se cachait Zaoui & Co, la discrète banque créée au mois de janvier 2013 par Michael et Yoël Zaoui. Partout, et nulle part à la fois.
[...] C’est au Maroc que les deux garçons ont grandi, au tournant des années 1960. La famille Zaoui est originaire de Fès, l’un des berceaux de la civilisation arabe. Le grand-père était bijoutier dans le mellah, le quartier juif de la ville. Michael, qui s’est penché sur la généalogie de leurs aïeux, y retourne parfois pour se recueillir « au cimetière juif, dont les tombes sont impeccablement entretenues ». Les recherches ne sont pas évidentes, notamment à cause de l’absence d’état civil, mais il a mis la main sur une pièce rare : une copie du manifeste rédigé dans les années 1930 par son grand-père maternel, un propriétaire terrien, dans lequel il encourageait les juifs à apprendre l’arabe classique afin de mieux comprendre leurs voisins musulmans.
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