Comme le montre la crise que nous traversons depuis maintenant cinq ans, la zone euro est profondément dysfonctionnelle. Cela aboutira tôt ou tard au démontage de la monnaie unique. Et il y a fort à parier que le facteur déclencheur sera le défaut désordonné d’un État ou d’une banque.
Le château de cartes grandit
Depuis plus de cinq ans avec Bear Sterns et trois ans avec la Grèce, les États conçoivent des plans dits de sauvetage des banques ou d’autres États. La Grande-Bretagne, les États-Unis et l’Irlande ont été contraints de nationaliser de grandes institutions financières pour éviter leur effondrement, même si cela représente un prix très élevé pour la collectivité. Mais, ce faisant, les dettes du passé n’ont pas disparu. Elles ont juste changé de mains et gonflé furieusement le passif de ces États…
Si la situation des États-Unis et de la Grande-Bretagne est gérable, du faible d’une dette publique autour de 90 % du PIB, et surtout de la monétisation d’une partie importante de la dette par leurs banques centrales respectives, la situation est tout autre pour l’Irlande. Voici un pays qui affichait une dette publique de moins de 40 % du PIB en 2007 et qui atteint aujourd’hui 120 % ! Certes, le pays a bénéficié d’une aide discrète, mais importante de la BCE (qui a monétisé près de 20 % de sa monnaie), mais il est tout sauf évident que Dublin pourra honorer sa dette dans les conditions actuelles.
La situation est également très préoccupante au Portugal, qui affiche une dette publique supérieure à 100 % du PIB, ou en Italie (130 % du PIB de dette). En outre, les nouveaux mécanismes européens ont ajouté de la dette à la dette, comme le rapporte ce papier de BFM, qui rappelle que Paris est déjà engagé à hauteur de 69 milliards… Tout le problème dans la zone euro est qu’il n’y a pas la soupape de la monétisation par la banque centrale, qui permet d’alléger le fardeau des États.
Éviter un défaut désordonné
En fait, nous vivons depuis 5 ans dans un immense schéma de Ponzi, qui finira par exploser. Car l’addition de la récession et des déficits rend la situation intenable. La récession (et une inflation très faible) ne permet pas de réduire le poids de la dette par la croissance, tout en compliquant la réduction des déficits. Et les efforts de réductions des déficits accentuent la récession, n’améliorant que marginalement le niveau des déficits, comme même le FMI le reconnaît. Et pendant ce temps, le poids des dettes enfle, sans recours possible auprès de la BCE au niveau de la zone euro.
Mais parce que les dirigeants politiques et les eurocrates ne veulent pas reconnaître leurs erreurs, ils continuent à essayer de faire fonctionner le système en transférant les dettes des uns sur les autres, d’où les multiples « plans de sauvetage » aux états (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Chypre) et aux banques (Irlande, Dexia en France, Italie, Espagne). Bien sûr, de temps en temps, le principe de réalité impose une restructuration, comme cela a déjà été fait par deux fois en Grèce, mais cela revient aussi à déplacer l’incendie comme on a pu le voir avec les banques grecques et Chypre.
La récession produit une explosion des créances douteuses, comme le rapporte ce papier des Échos sur les banques italiennes, ou comme l’avait noté The Economist pour les banques espagnoles. Bref, l’ensemble du système tient encore grâce aux faibles taux, à l’action des banques centrales et à l’afflux des liquidités, qui facilite le financement de ces montagnes de dettes, mais tout ceci ne tient que grâce à une confiance dont on a vu depuis 2008 qu’elle peut être très friable.
La question n’est pas de savoir s’il y aura des défauts mais quand et qui sera touché. Le moindre grain de sable peut déclencher une nouvelle crise encore plus violente qu’en 2008. Les mauvais choix monétaires (monnaie unique, monétisation au seul service des banques) et l’austérité nous y mènent…