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François Ruffin gesticule contre la scandaleuse privatisation d’Aéroports de Paris

Deuxième lecture du projet de loi Pacte le 5 mars 2019. Le député LFi François Ruffin explique pourquoi la privatisation d’ADP est un scandale et une faute.

 

 

« Le projet de loi PACTE, que le Sénat examine fin janvier 2019, prévoit de vendre pour les 70 prochaines années plus de la moitié du capital de la société ADP à des “investisseurs” privés. Cette privatisation méconnaît le Préambule de la Constitution de 1946, qui oblige les collectivités publiques à détenir un service public national ou un monopole de fait. »

Pour ceux qui veulent aller plus loin, cet article des blogs de Mediapart détaille toute l’opération. Il date de janvier 2019 mais il est complet sur la question, qui est à la fois une question de droit et une question politique. Macron y est à la manœuvre depuis 2014 et ce qu’il affirme sur l’État est tout bonnement sidérant. Le ver était bien dans le fruit depuis 5 ans !

Voici les premiers paragraphes de ce long et édifiant article :

Le 4 décembre 2014, alors ministre de l’Économie, Emmanuel Macron a bradé avec son collègue (socialiste) ministre des Finances pour 308 millions d’euros 49,9% des parts de l’État dans la société de gestion de l’aéroport de Toulouse-Blagnac à une entreprise chinoise, sans expérience dans la gestion des aéroports, domiciliée dans les îles Vierges britanniques et ayant une filiale dans les îles Caïmans, majoritairement contrôlée par l’État chinois, et a confié à cet actionnaire privé l’entier contrôle de la société aéroportuaire toulousaine (v. Cour des comptes, Le processus de privatisation des aéroports de Toulouse, Lyon et Nice, octobre 2018, p. 39 à 52 : « l’échec de la privatisation de l’aéroport de Toulouse » ; « l’acquéreur retenu a suscité des inquiétudes, en raison de son absence d’expérience en matière de gestion aéroportuaire, de son manque de transparence financière et de ses liens avec la puissance publique chinoise »).

Le ministre de l’Économie d’alors avait assuré devant les députés que « il n’y a aucun doute sur le fait qu’il s’agit d’une bonne opération sur le plan financier. (…) Quand on a une telle rentabilité et un tel retour, on peut dire que c’est une bonne opération patrimoniale sur le long terme. C’est aussi une bonne opération industrielle sur le long terme, parce que l’État est un mauvais actionnaire et il est inutile. C’est un actionnaire inutile parce que pour contrôler et réguler, on n’a pas besoin d’être dans le capital » (Assemblée nationale, 19 janvier 2015, rapport n° 2498, tome I, vol. 2, p. 339-340) ; mais devenu président de la République, Emmanuel Macron a cru pouvoir alerter le 29 octobre 2018 contre les effets autres que financiers de sa propre action ministérielle : « l’Europe est face à un (nota : deux, en fait...) risque  : celui de se démembrer par la lèpre nationaliste et d’être bousculée par des puissances extérieures. Et donc de perdre sa souveraineté. C’est-à-dire d’avoir sa sécurité qui dépende des choix américains et de ses changements, d’avoir une Chine de plus en plus présente sur les infrastructures essentielles ».

Les technocrates de l’ENA d’hier et d’aujourd’hui sont à l’origine de la perte d’influence de la France qu’ils ont beau jeu de déplorer par ailleurs (v., sur un autre sujet : Tariq Krim, « Comment la France s’est vendue aux GAFAM », lepoint.fr, 5 janvier 2019 : « Dans les années 90, c’est au tour du Premier ministre de l’époque Alain Juppé d’expliquer, au journal de 20 heures, sa décision de vendre à la casse Thomson Multimédia au coréen Daewoo : “Thomson, ça ne vaut rien, juste un franc symbolique”. Le gouvernement obsédé exclusivement par le volet social de l’entreprise ignore que Thomson multimédia dispose d’une grande partie des brevets sur la musique (le fameux MP3) et la vidéo en ligne qui seront utilisés quelques années plus tard dans tous les smartphones. Sa branche grand public sera démantelée et vendue au chinois TCL et ses meilleurs ingénieurs partiront chez Google »).

Le précédent toulousain, qui pouvait être évité en déclarant infructueuse l’opération de vente de l’aéroport de Toulouse à l’État chinois, aurait dû disqualifier Emmanuel Macron pour persévérer dans la voie – que même les États-Unis n’ont jamais empruntée – du désengagement des collectivités publiques dans la détention du capital et du contrôle des sociétés aéroportuaires, sauf à considérer qu’il organise méticuleusement le sabotage des intérêts de la puissance publique française au profit d’intérêts purement privés ou étrangers.

Les destructeurs de la puissance publique bradent des joyaux industriels français, parfois mal gérés il est vrai, mais avec un potentiel réel, à des investisseurs privés ou à des États étrangers. Les opérations financières sont certes une bonne opération, mais surtout pour les banques d’affaires qui les conduisent (Rothschild et Lazard en grande partie) : l’argent rentre dans les caisses de l’État, qui reste parfois actionnaire majoritaire, il récupère une partie des bénéfices annuels réalisés, comme n’importe quel actionnaire, mais le patrimoine national s’en ressent. Sauf que ça ne se voit pas. Cette paupérisation programmée n’a pas d’incidence directe à court terme sur la vie quotidienne.

C’est ce qui est arrivé hier à notre secteur industriel avec l’équarrissage de Thomson ou d’Alstom, et aujourd’hui avec le secteur aéroportuaire. Entre-temps, les autoroutes ont été privatisées. L’État, réduit à un rôle pratique d’actionnaire puisqu’il ne gère plus ces centaines de milliers d’emplois (ouf !), encaisse les dividendes mais ne peut plus investir à la place des groupes privés, qui n’investissent pas forcément dans des secteurs dont la marge n’est pas suffisante pour eux. L’investissement à long terme qui profite au grand public n’a pas de sens pour ces compagnies privées, qui préfèrent investir dans leur intérêt immédiat plutôt que dans l’intérêt général.

On ne voit donc pas immédiatement le résultat de ces privatisations sur le corps social français, ça prend du temps, et c’est pour ça que les rapaces peuvent mordre et arracher de grands et juteux morceaux dans la viande nationale, laissant les mauvais morceaux à la gestion publique (cas de l’hôpital). Quand une majorité de Français s’en rendra compte, il sera peut-être trop tard. Il faudra passer à la caisse de ces grandes seigneuries que sont les multinationales qui se sont partagé le gâteau national. Un nouveau Moyen Âge (au sens féodal) est en train de se profiler, et ceux qui nous y conduisent sont complices de cette régression sociale.

Emmanuel Macron a sa part dans le virage désouverainiste de la France, mais des Juppé et des Balladur avant lui ont fait le boulot. Les noyaux durs de Balladur, lui aussi lié aux grandes banques d’affaires, celles des fusions-acquisitions, ont fait basculer la France il y a 25 ans dans une ère nouvelle. À l’époque (1993), le prétexte était de protéger le capitalisme français en particulier et l’économie française en général de la prédation étrangère... Une ère où les grands prédateurs capitalistiques transfrontaliers s’attaquent aux trésors des nations, qui constituent des gisements de bénéfices au prix d’un appauvrissement général. C’est là non pas le braquage du siècle, mais le braquage du millénaire. Aux peuples d’ouvrir les yeux, et au peuple français de ne plus voter pour ses bourreaux.

Voici un extrait du livre de Martine Orange (Rothschild, une banque au pouvoir) sur les liens entre Balladur et la grande banque d’affaires après la défaite du Premier ministre de Chirac à l’élection présidentielle de 1995 :

À nouveau, la maison Rothschild a tendu une main amie. Cette fois, elle n’est pas destinée à quelque banquier délaissé. Mais à des amis en détresse, abattus après la défaite de leur candidat, dès le premier tour de l’élection présidentielle de 1995. Pour la banque, cette déroute est une déception mais pas un drame. Elle est désormais une banque d’affaires reconnue. Elle a ses entrées, partout.

Les liens avec Jacques Chirac, même s’ils sont bien moins étroits qu’avec Édouard Balladur, existent. Le nouveau Président, lui aussi, reste imprégné de la grande tradition pompidolienne. Et dans ce récit fondateur, les Rothschild ont une place à part : ce sont les amis de Georges Pompidou, la banque du Président, comme on dit. Un des plus proches de Chirac, François Pinault, est un client ancien de la banque : elle l’a aidé dans sa troisième mutation, lorsque l’homme d’affaires a liquidé ses actifs industriels, à commencer par la Chapelle Darblay, pour créer un empire dans la distribution, avec la Fnac et le Printemps, en attendant le luxe. François Pinault a confiance dans la banque et ne manque pas de le faire savoir. Bref, ce changement politique ne constitue pas un séisme.

Mais le désappointement est là, malgré tout : « Édouard » est un ami proche, peut-être le plus proche de la famille. Il a suivi depuis le début la reconstruction de la banque, l’a aidée dès qu’il a pu. Avec David de Rothschild, ils se sont souvent entretenus ensemble. Ils se voient depuis des années à Deauville, où Balladur a une maison et où le banquier vient en voisin. Ils ont tellement échangé sur leurs visions politiques, au cours de ces quinze années. Les liens sont si serrés qu’Édouard de Rothschild l’a choisi… comme témoin de mariage.

Comme de nombreux responsables du monde des affaires, le chef de la maison attendait, espérait la victoire du Premier ministre, qui semblait lui être promise depuis des mois. L’homme politique qui, depuis 1981, s’était attelé à la reconstruction idéologique de la droite, était le dirigeant qu’il fallait : il allait mettre en œuvre le vaste programme de réformes sur lequel il réfléchissait depuis des années, avec le monde des affaires. Enfin, la France allait abandonner ses particularismes. Elle allait se normaliser et entrer dans le grand bain de la mondialisation.

Eh bien nous y sommes.
Pour en revenir au sujet du jour, que peut le jeune Ruffin – qui a appelé à voter pour le Diable en mai 2017 – face à la puissance de la Banque, dont le Président actuel est issu ? À part gesticuler...

La privatisation contre les peuples, sur E&R :

 






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