Le président de la République a fait, hier soir, une courte allocution télévisée à la suite du crime atroce commis par deux djihadistes, l’un et l’autre fichés « S » en l’église de Saint-Etienne du Rouvray [1]. L’instant était particulièrement solennel. Les mots utilisés par François Hollande sont importants. On connaît en effet la formule « le style c’est l’homme ». Et ces mots, comme ce style, sont révélateurs des manques et des limites du personnage.
« Françaises, Français,
Un prêtre, le père Jacques HAMEL, un homme plein de bonté, a été sauvagement assassiné, égorgé dans une église à Saint-Étienne-du-Rouvray, au milieu de ses fidèles, eux-mêmes pris en otage. Les deux terroristes ont été abattus par la police. Je salue le courage de ces policiers qui sont intervenus dans un délai très court.
Cet acte abominable est une nouvelle épreuve pour la Nation alors que nous portons encore le deuil des 84 victimes de l’attentat de Nice et que Paris, l’année dernière, avait été si durement frappée ».
Si l’attaque de cette déclaration porte bien la solennité du moment, si François Hollande nous a épargné le « mes chers concitoyens » d’usage depuis Jacques Chirac, les deux paragraphes qui suivent retombent dans l’un des travers du Président actuel. L’usage du registre compassionnel pose problème. Non que la compassion ne soit une valeur hautement respectable. Mais ce nouveau crime appelait d’autres mots et les français attendaient autre chose. On ne peut, en effet, rester en permanence dans ce registre. Il le dit lui-même, ce crime survient après celui de Nice. Et, déjà, l’attentat de Nice était l’attentat de trop, celui qui exige des autorités un autre discours. Les dirigeants qui ont fait l’histoire de la seconde guerre mondiale, Churchill, de Gaulle, ont-ils usés et abusés du registre compassionnel ? Ce passage révèle en réalité la profonde inadéquation tant du discours que du personnage de François Hollande dans la situation actuelle. Et le mot cruel, mais hélas si juste, de Jean-Luc Mélenchon à l’égard de François Hollande revient à la mémoire : capitaine de pédalo. Nous n’exigeons pas de tout dirigeant qu’il se hisse à la hauteur de ses illustres prédécesseurs. Mais les Français sont en droit d’attendre que ceux qui n’en sont pas capables cèdent la place à ceux qui – eux – sauront faire face à cette situation à la fois dramatique et exceptionnelle.
« Les catholiques de France et du monde sont meurtris, mais ce sont tous les Français, quelles que soient leurs convictions et leur confession, qui se sentent atteints au fond d’eux-mêmes. Attaquer une église, tuer un prêtre, c’est profaner la République qui garantit la liberté de conscience. C’est semer l’effroi car ce que veulent les terroristes, c’est nous diviser, nous séparer, nous opposer, nous déchirer ».
Le Président de la République ici se trompe, soit par ignorance – ce qui est peu probable – soit à dessein, ce qui est pire. La République garantit la liberté des cultes, dans le cadre de la laïcité et non la seule « liberté de conscience » qui est un principe restrictif au regard de la laïcité. Ce que les djihadiste, et leurs complices dans une fraction de l’Islam politique remettent en cause c’est bien la laïcité. C’était ce mot, devenu un marqueur politique important, qu’il fallait employer. Le fait qu’il ne l’ait pas été soulève alors des questions fondamentales : est-ce par peur que le Président a évité ce mot ou bien est-ce pour signifier qu’il entend reculer de la laïcité, qui – on le rappelle – implique le cantonnement des religions dans la sphère privé vers la notion de simple « tolérance » qu’implique la « liberté de conscience » ? Est-ce qu’il ne se souvient donc pas que la République est dite « laïque » dans notre Constitution ?