Le président de la République François Hollande était « invité » au dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) hier mardi 4 mars 2014. Il y a prononcé un discours d’une trentaine de minutes où l’actualité française et internationale, de manière parfaitement antirépublicaine, fut examinée à travers le prisme communautaire.
Après une rapide évocation du contexte ukrainien, François Hollande a parlé de la « flambée de haine » qui caractérise le « climat » français actuel. Empêtré dans des statistiques n’allant pas vraiment dans son sens [1], le Président a préféré se réfugier dans des clichés aussi discutables qu’éculés : des juifs agressés, dans la rue ou dans les écoles, « parce que juifs », des « synagogues souillées par des croix gammées » (les églises de France sont taguées tous les jours par les antifas, monsieur le Président)...
Cherchant lui-même les causes de ce « climat » largement fantasmé, Hollande imagine alors que certains voudraient faire porter à « la crise » la responsabilité de l’animosité intercommunautaire, explication qu’il trouve « un peu courte ». Certes, c’est pourquoi nous lui en proposons une autre : c’est le gouvernement lui-même, en prêtant allégeance à des lobbies comme le CRIF quand il est censé n’emprunter aucune médiation entre lui-même et les citoyens, qui installe dans la population le sentiment du privilège d’une certaine communauté et met ainsi en danger les juifs de France.
Pour François Hollande, la manifestation Jour de colère du 26 janvier a été le lieu d’« amalgames » dangereux. Et puisque le Président n’aime pas les amalgames, il va en commettre un très gros (ne pas chercher la logique, c’est le principe de la double éthique) : durant le Jour de colère ont défilé « des groupes qui n’avaient rien à voir entre eux et qui se retrouvaient sur le même objectif, la même haine, celle du juif ».
On en vient alors, puisque c’est l’objectif de ce discours, aux véritables responsables de ce « climat ». François Hollande, qui a beaucoup de mémoire, a déjà connu ça, à d’autres époques.
« Sauf que là, les propagandistes ne se cachent plus : ils publient des livres, défilent dans la rue, donnent des spectacles, et utilisent des moyens modernes, c’est-à-dire Internet, pour colporter des rumeurs, qui deviennent des tumeurs. »
Lyrique ! On note cependant que les noms de Soral et Dieudonné ne sont pas prononcés : aurait-on tiré les leçons du mois de janvier ?
Internet, voilà bien l’un des enjeux politiques à traiter en urgence pour la République. « Le numérique doit avoir ses règles. » Non content d’avoir placé la France à la première place mondiale de la censure sur les réseaux sociaux [2], Hollande souhaite accroître le contrôle de l’Internet. C’est dans ce contexte qu’il reprend la comparaison indécente de Roger Cukierman [3] entre pédophilie et antisémitisme :
« Je retiens, monsieur le Président, ce que vous nous avez proposé : si l’on arrive à lutter contre les images pédophiles, nous devons aussi réussir à lutter contre les messages délibérément racistes et antisémites. »
Applaudissements dans la salle. La conclusion de Hollande confirme la volonté de l’exécutif de monter en épingle un « climat » afin de censurer toujours un peu plus l’Internet, dernier espace de liberté d’expression en France :
« J’ai donc demandé au gouvernement de me faire rapidement des propositions pour améliorer notre réactivité et éventuellement notre appareil répressif par rapport au développement de la cybercriminalité. »
Parce que la « République des censeurs » n’est pas seulement répressive, mais totalitaire jusqu’au bout des ongles, Hollande entend également faire encore davantage de l’Éducation nationale l’organe de formatage des consciences. Le Président commence par une plaisanterie : la « morale laïque » serait destinée à « élever le niveau de conscience des citoyens ». Rappelons à François Hollande qu’ l’on ne sait jamais autant qui l’on est que lorsqu’on sait d’où l’on vient ; or, la « morale laïque » entend au contraire, comme le revendique Vincent Peillon, « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel [4] » – autrement dit, faire en sorte que les enfants de familles catholiques ou musulmanes n’héritent pas trop des valeurs universalistes de leur parents mais leur préfèrent la haine de soi pour les catholiques et le communautarisme victimaire pour les musulmans. Les enseignants, eux, vont être servis : affirmant que « la charte de la laïcité doit être mise au programme de la formation permanente des enseignants », Hollande annonce également la mise en place de « référents académiques mémoire et citoyenneté » ainsi que sa volonté de faire de la « lutte contre les discriminations » un « objectif de la transmission ».
Les dernières minutes de l’allocution présidentielle seront consacrées à la diplomatie. Rappelant la position officielle de la France sur le conflit israélo-palestinien (deux États avec pour capitale Jérusalem), François Hollande prend soin de rappeler également les liens de la diaspora française avec l’entité sioniste, à travers une affirmation indigne, qui n’engage que lui et qui, une fois de plus, met en danger toute la communauté juive en l’opposant au peuple de France :
« Israël, pour les juifs de France, c’est d’abord l’État refuge. »
S’il avait voulu créer le sentiment que les juifs sont menacés par la France, François Hollande ne s’y serait pas pris autrement. Une affirmation qui contraste avec la fin de son discours, où le Président tente de rassurer :
« La communauté juive est pleinement chez elle en France. »
Aucun Français n’en doute. Mais à écouter l’allocution du président de la République devant le plus puissant des lobbies de France, il est permis de penser que le pouvoir français cherche, lui, par tous les moyens, à opposer les citoyens entre eux en raison de leur confession ou de leur origine et, donc, à mettre toutes les communautés en danger, y compris et peut-être d’abord les juifs du quotidien.
Le discours de François Hollande :
Voir aussi, sur E&R :
« Qui est Roger Cukierman ? » (par la revue Faits & Documents)
« François Hollande, "invité d’honneur" ou convoqué au dîner du CRIF ? »