Egalité et Réconciliation
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Far-Est ?

Par Alexandre Latsa

Lorsque j’ai décidé d’émigrer en Russie, les nombreux français de ma génération tentés par l’expatriation pensaient en général à des destinations plus classiques, comme le Canada francophone, l’Angleterre et l’Irlande, alors en plein boom économique, ou encore l’Australie et surtout les USA, parce qu’on pense toujours qu’en Amérique, tout est possible.

Bien sur, la situation n’est pas encore catastrophique en France mais nous sommes nombreux à pressentir qu’il n’y aura pas d’améliorations dans les années à venir. Je fais partie d’une génération de Français dont un très grand nombre c’est vrai est parti s’installer à l’étranger.

Je ne parle la pas des retraités qui pensent avant tout à leur confort de vie et à partir dans des régions ensoleillées et bon marché, chaudes et peu chères, comme le Maroc par exemple, mais des jeunes diplômés, dont l’émigration est à finalité économique, professionnelle.

La crise financière de 2008 a cependant modifié les choses en profondeur. L’Angleterre et l’Irlande ont perdu leur attractivité, les USA sont en pleine crise économique et sociale, et les Français sont de plus en plus nombreux à s’aventurer dans des régions moins habituelles, mais présentant de réelles opportunités économiques, que ce soit par exemple le Brésil, la Chine ou encore la Russie. C’est un signe de confiance dans l’avenir du pays et les sociétés françaises du CAC 40 s’installent les unes après l’autre en Russie.

Pourtant, même si la présence française en Russie augmente, elle reste encore relativement faible par rapport à d’autres pays Européens comme l’Allemagne. Que l’on en juge par le nombre de sociétés présentes, en Russie : environ 600 pour la France et 6.000 pour l’Allemagne. Il y a une logique à ce fort attrait économique qui se traduit dans les chiffres d’immigration et qui démontre bien l’influence croissante de la Russie, par ailleurs seul pays européen du groupe BRIC, dans la région Eurasie.

La Russie est en effet le second pays au monde accueillant le plus grand nombre d’étrangers juste après les Etats-Unis. En 2010, il était estimé que la Russie comptait 12 millions d’étrangers sur une population de 142 millions d’habitants. Bien sur les gaustarbeiters d’Asie centrale (main d’œuvre à faible coût) représentent le gros de ces migrants, mais selon l’AEB (l’Association of European Business) près de 500.000 ressortissants de l’Union Européenne vivent ou travaillent en Russie, tout du moins occasionnellement.

Désormais les nouveaux arrivants d’Europe de l’ouest sont de moins en moins nombreux à arriver mutés au sein d’une société, mais plus nombreux à venir en Russie individuellement pour une courte période, que ce soit un stage ou un échange étudiant. Certains choisissent de rester pour chercher du travail, voire commencer une nouvelle vie.

D’un point de vue professionnel, la forte croissance et le dynamisme du marché intérieur de la Russie sont une mine d’or pour les entreprises étrangères et cette bonne santé économique permet de trouver des débouchés en tant que salarié bien plus facilement que dans nombre de pays d’Europe de l’ouest. Pour autant la Russie n’est pas encore la destination qui fait rêver et elle n’est vraiment pas non plus le pays le plus simple dans lequel émigrer, même pour les jeunes spécialistes.

Les difficultés de la langue russe, la dureté du climat (si l’on pense à la Russie Européenne et donc aux pôles économiques que sont Moscou et aussi Saint-Pétersbourg) ou surtout les nombreuses difficultés administratives (visas, démarches diverses..) n’ont il est vrai rien pour faciliter la tâche. En outre, la grande méconnaissance qu’ont encore la majorité des Français par exemple de ce pays et le tableau noir qu’en font nos médias coupent toute envie d’y aller pour travailler, ne parlons pas de s’y installer.

Malgré tout à Moscou, j’ai rencontré de nombreux français qui ont eux aussi choisi la Russie, certains depuis peu, et d’autres depuis 10 ans voire plus. Dans des discussions sur la vie en Russie, sur la dureté du climat, ou sur les difficultés de la langue russe, j’ai été étonné d’entendre souvent la même phrase : "Je ne souhaite pas repartir".

C’est vrai que mes premières impressions, à titre personnel, ont aussi été assez rapidement plutôt positives. En Russie, il n’y a pas ces grèves à répétition qui empêchent de vivre normalement et de se déplacer. Dans les villes, les magasins, les bars, les restaurants sont souvent ouverts 24/24, ce qui confère une sensation de liberté importante. Le pays est réellement multiculturel et multiconfessionnel mais contrairement aux sociétés occidentales, les tensions ethniques, religieuses et sociales se ressentent très faiblement, et n’empoisonnent pas la vie de tous les jours, comme par exemple en France.

On peut ressentir à Moscou l’énergie qui se dégage de la ville et la vitalité des gens, dans les rues, dans le métro, dans les magasins. Il y a dans cette ville quelque chose de vibrant, de positif et d’attachant.

La sensation d’être dans un pays ou l’impression de déclin (omniprésente en France) ne se fait pas sentir, est fort plaisante, il faut bien l’avouer. Je pense que c’est une des clefs pour comprendre l’attrait que la Russie procure sur les étrangers. En Russie, cette sensation de "c’est possible" existe encore, alors qu’elle semble avoir disparu dans bien d’autres pays.

La Russie, Far-Est du 21ème siècle, saura-t-elle être l’eldorado des Européens, comme les Etats-Unis l’ont été au cours du siècle précédent ? Il est difficile de prévoir l’avenir, néanmoins il y a deux décennies, si les Européens migraient d’est en ouest, aujourd’hui il n’est pas impossible que nous assistions au début d’un mouvement inverse, d’ouest vers l’est, vers les immenses espaces par delà l’Oural.

Ce mouvement devrait selon moi sensiblement s’accélérer dans la prochaine décennie, au vu des prévisions économiques solides en Eurasie (Russie, Biélorussie et Kazakhstan, les 3 pays de la nouvelle union douanière) et relativement faibles en Europe de l’ouest. Déjà la Russie se classe devant la France et juste derrière l’Allemagne selon le FMI, dans le classement des pays selon leur PIB à parité de pouvoir d’achat. Pour ma part, en tant que Français d’Eurasie, c’est décidé depuis longtemps, je reste vivre en Russie !

 






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8 Commentaires

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  • #3720
    Le 23 février 2011 à 19:35 par Denis Jaisson
    Far-Est ?

    L’auteur écrit que « les magasins, les bars, les restaurants sont souvent ouverts 24/24, ce qui confère une sensation de liberté » - de liberté pour qui (?) demanderait peut-être Michel Clouscard. Celui-ci analysa le système « libéral-libertaire » qui allie « permissivité pour le consommateur » (celui qui mange en toute « liberté » à 3h du matin) et « répression pour le producteur » - ou pour le serveur qui a trouvé du boulot, parce qu’il s’est plié au droit donné au restaurateur de recevoir des clients toute la nuit... Le serveur éprouve-t-il la « sensation de liberté » de l’auteur ?

     

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    • #3730
      Le Février 2011 à 22:07 par Nicolas R.
      Far-Est ?

      C’est exactement la remarque que je me suis faite en lisant l’article ! Ca sonne un peu "émerveillement du bobo expatrié" pour la vie urbaine en Russie et tout ce qu’elle offre au "consommateur" embourgeoisé.

      Etant moi-même expatrié depuis deux ans j’entends sans arrêt ces opinions à la cons du genre : "C’est formidable, il n’y a pas de grève ; tous les magasins, bars et restaurants sont ouverts le dimanche ; il y a du multiculturalisme et tout le monde est gentil ; "life is beautiful" ; c’est vraiment mieux qu’en France !" ... ouais ... "life is beautiful" c’est pas toi qui bosse dans un KFC de minuit à huit heures du mat’ pour te vendre des nuggets alors que tu combats l’anémie en sortie de boîte ! Et ces magasins ouverts, ces bars, ces restos, qui les fait tourner ?

      Il ne faut pas perdre de vue que la majorité des expatriés sont en vérité des bobos, des vrais ; c’est quelque chose de très net que j’ai observé dans les différents pays où j’ai vécu. Donc leur vision des choses sera une vision de "joyeux consommateur bobo cosmopolite". Pour m’être enlisé dans des débats sans fins avec une multitude d’entre eux, je peux vous dire qu’ils sont complètement déconnectés de la réalité nationale, de la France ou du pays d’accueil. S’ils pestent contre les "bougnoules qui nous envahissent" une fois à l’étranger, ils n’ont pas compris qu’ils sont eux-même des immigrés dans le pays d’accueil, et que peut-être que les habitants locaux en ont à redire sur eux et leur comportement. En vérité ils n’arrivent pas à comprendre le regard que peur leur porter "l’autochtone", ce qui est expliqué très souvent par le faut que les expatriés français pratiquent à l’étranger un communautarisme exacerbé et ne restent, pour ainsi dire, qu’entre eux, n’interférant avec le monde extérieur que pour "travailler", "consommer" et "faire les touristes", se comportant en public de manière assez exécrable lorsqu’en groupe.

      Plus que deux mois et je finis cette période d’expatriation ; et après avoir vécu en profondeur dans le monde anglo-saxon, qui est le modèle qui nous est progressivement imposé en France, je peux dire que rien ne vaut notre France, même s’il y a des grèves, même s’il y a des zyvas dans toutes les rues, même si tout part en vrille : les ruines de ce système français sont infiniment plus agréables que le système anglo-saxon ... à moins de vouloir aller faire du ShoPping avec ses KopiNes un dimanche aprèM avant d’aller prendre un chocolat chaud au StarBuckS CofFEe ; "ah ouais, grave, trop le truc de oufs, putain !"

       
    • #3745
      Le Février 2011 à 00:30 par anonyme
      Far-Est ?

      J’approuve les remarques faites plus haut : dire que la France est morose et la Russie vivante parce que les bars n’y ferment pas m’énerve. La vie n’est pas faite pour s’amuser !

      Par ailleurs, entre la Russie et notre Maquis, je reste ici ! La France est nôtre (au sens noble) et elle a besoin de nous (au moins pour l’honneur) !

       
  • #3725
    Le 23 février 2011 à 20:56 par pic
    Far-Est ?

    En Russie, il n’y a pas ces grèves à répétition qui empêchent de vivre normalement et de se déplacer.

    Et bien, ils ont du mouron à se faire les travailleurs de Russie, car qui ne revendique rien n’a rien !!!!

    Combien de semaines de congés ont-ils ? Comment sont-ils assurés socialement ? Touchent-ils une retraite en fin d’activité et à quel âge ? etc...

     

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  • #3777
    Le 24 février 2011 à 13:07 par nicolas
    Far-Est ?

    ’’En Russie, il n’y a pas ces grèves à répétition qui empêchent de vivre normalement et de se déplacer. Dans les villes, les magasins, les bars, les restaurants sont souvent ouverts 24/24, ce qui confère une sensation de liberté importante. Le pays est réellement multiculturel et multiconfessionnel mais contrairement aux sociétés occidentales, les tensions ethniques, religieuses et sociales se ressentent très faiblement, et n’empoisonnent pas la vie de tous les jours, comme par exemple en France.’’
    Ca se passe de commentaire effectivement........

     

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  • #3783
    Le 24 février 2011 à 13:59 par alexandre LATSA
    Far-Est ?

    Bonjour,

    - Le salaire d’un chauffeur de métro confirmé est de 1.600 euros nets, la retraite à 60 ans. C’est pas le boulot le plus passionant ni le plus facile du monde, mais il faut bien comparer à comment c’était il y a 10 ou 12 ans, quand les salaires n’étaient pas versés.
    La vie ne se résume pas en Russie à l’assurance, les congés et autres âneries franco-francaises et pour le coup très bobo me semble t-il. Les mecs vous planez complètement.

    - Le fait de ne pas vivre dans un environnement ou tout est impossible (tout est fermé, trop d’insécurité pour sortir, lois interdisant ceci etc etc) est à mon avis non seulement positive pour le consommateur, mais également pour la personne qui a "besoin" d’argent et peut trouver un travail, même si il est dur. Encore une fois comparons avec il y a 12 ans.
    Je vous épargne la réthorique de "pouvoir consommer permet de faire circuler de l’argent dans le circuit économique" etc etc...

    - Je ne suis pas expatrié et ne fréquente pas plus des francais que des étrangers ou des russes. Je ne vis pas comme un expatrié mais comme un Russe de la classe moyenne supérieure et constate la vie dans mon quartier de lointaine banlieue ou on peut à 2 plombes du mat aller bouffer et boire un coup avec une blonde sans se faire emmerder, et trouver un truc ouvert.
    La personne qui parle d’expatrié devrait plutôt se demander pourquoi elle est expatrié dans le monde anglo-saxon, ennemi de l’Europe (comme les 3/4 des francais de l’étranger sur 2souche qui ont témoignés), avant de donner des lecons de morale.
    L’expatrié souvent bobo pourquoi pas (?) mais alors dans ce cas la c’est lui le Bobo puisque c’est lui l’expatrié.

     

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  • #3788
    Le 24 février 2011 à 14:39 par anonyme
    Far-Est ?

    Alors plusieurs choses à propos de la Russie :
    - Il est impossible d’y émigrer sauf à travailler pour une société européenne implantée las bas.
    - Même si vous vous mariez à un local(e) et que vous y vivez depuis 20 ans et parler couramment le russe, vous ne serez jamais considéré comme "l’un des leurs". A contrario, j’ai un copain marié à une russe en France qui a obtenu la nationalité française au bout de 5 ans, chose impossible en Russie. De plus, la Russie ne reconnait pas la double nationalité.
    - Vous devez repartir tous les 6 mois pour renouveler votre visa à l’ambassade russe de votre pays d’origine et cela sans aucune garantie que ce renouvellement soit effectif (et ceci même si vous etes marrié à un local).

    Y faire des études, pourquoi pas, le système universitaire russe est de grande qualité mais y émigrer pour y faire sa vie : pas un bon plan.

    Pour le reste, il est vrai que la Russie a de bon atouts :
    - des ressources naturelles gigantesques
    - un tres haut niveau technique
    - une armée redoutée et des armes "made in russia" tres sophistiquées
    - pas de dettes, ce qui lui permettra et lui a deja permis de resister aux crises presentes et à venir

    Tout ça fait que la Russie est totalement souveraine et peut se permettre un gros "fuck" à l’Empire.

    Cela dit, il ne tient qu’à nous que la France redevienne ce qu’elle etait sous le General De Gaulle, le ménage doit etre fait au niveau de nos élites qui ne sont que des traitres à la nation. Je sais, c’est plus facile à dire qu’à faire, il faudra peut etre attendre de toucher le fond, quand les gens n’auront plus rien à perdre, ils se révolteront.

     

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  • #3854
    Le 25 février 2011 à 13:33 par alexandre LATSA
    Far-Est ?

    @ Anonyme (dernier message).

    Permettez moi de corriger vos propos :

    - Il est parfaitement possible d’émigrer en Russie, de s’y installer et y trouver un travail. Je l’ai fait en 2008 et des milliers d’Européens le font chaque année !

    - Etre considéré comme un Russe (d’origine francaise) est largement suffisant, la nationalité d’origine ou régionale étant de toute façon marqué sur le passeport. Même si l’intégration en Russie est dure, les enfants d’un père étrangers sont parfaitement considérés comme Russe.
    La double nationalité n’est pas tolérée uniquement pour les étrangers, qui souhaitent acquérir la nationalité Russe et encore cela dépend. Il y a des états pour lesquels l’abandon de la nationalité d’origine est demandé (UE..) pour d’autres ce n’est pas le cas (Argentine..).
    Par contre, un Russe peut parfaitement acquérir la nationalité d’un autre pays sans avoir à quitter sa nationalité.

    - Sur les visas. La loi de novembre 2007 à instauré une réciprocité avec l’UE (merci l’UE) qui empêche un détenteur de visa de passer plus de 90 jours d’affilée sur une période de 180 jours, sauf si il s’agit d’un visa de travail. En gros dès que vous avez un visa de plus de 3 mois (6 mois ou un an) vous devez passer 3 mois en Russie, puis 3 mois dehors. La encore c’est très simple, il suffit de cumuler 4 visas d’affaire (ou business) de mois d’affilée et le tour est joué.
    Le renouvellement est effectif, vous n’avez JAMAIS entendu parler de refus d’attribution d’un visa à un ressortissant de l’UE si celui ci présente les documents en règle.
    Epouser un local donne automatiquement le doit à demander un "permis de résidence provisoire de 3 ans" qu’il est possible d’obtenir entre 3 et 6 mois.

     

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