Alain Cotta, professeur d’économie à HEC qui avait déjà fait part de son scepticisme sur le traité de Maastricht dès 1992, revient à la charge avec un nouvel ouvrage où il est question du sort de l’euro. Une monnaie unique qui ne fait plus l’unanimité et qu’il faut quitter pour revenir à une monnaie commune ou au franc.
Dans son dernier livre qui paraît aujourd’hui, Alain Cotta fait une critique de l’euro et remet son mode de fonctionnement en question. « Sortir de l’euro ou mourir à petit feu », le titre de son livre donne le ton au discours de l’économiste.
En trois actes, à la manière d’une pièce de théâtre, Alain Cotta démontre pourquoi et comment la France doit sortir de l’euro pour revenir au franc.
Acte 1 : Promesses de politiques
En 1997, médias, politiques et dirigeants des grandes banques françaises ont crié haut et fort que l’euro était la meilleure manière pour la France de s’affirmer comme une puissance économique au sein de l’Europe et de montrer aux dirigeants américains et chinois qu’ils étaient capable de s’unir pour créer une monnaie concurrentielle. Oubliant les monnaies nationales aux valeurs différentes, 16 pays créaient la zone euro. En clair, l’auteur rappelle que l’euro a été évalué sur les bases de la monnaie allemande : le mark. Déjà, le déséquilibre entre les pays à monnaie forte (pays nordiques) et les pays latins dont la monnaie était moins puissante faisait bondir certaines voix que l’on a préféré marginaliser à l’époque. Alain Cotta faisait déjà partie de ceux-là.
Extrait : « La force de cette conviction communautaire emporta toutes les adhésions, à commencer par celles qui lui préexistaient. La finance était habituée à composer avec les politiques. Suivre leurs professions de foi après avoir écrit quelques-uns de ses versets était vraiment pain bénit (...) L’Europe ne se prêtait sûrement pas à la création d’une monnaie unique. Aucune des conditions nécessaires - et non suffisantes - à l’existence d’une zone monétaire entre la majorité de ses membres d’alors (1997) n’était remplie »
Acte 2 : La réalité sous-jacente
Dans son ouvrage, l’économiste tire le bilan, qu’il juge calamiteux, de la monnaie européenne. Plus de dix ans d’euros qui n’ont guère rassuré les Français. Pouvoir d’achat en baisse, hausse du chômage, stagnation ou faibles augmentations des salaires. Un pays allait lui, y trouver son compte : l’Allemagne. Les Allemands ont su s’adapter à la mondialisation en mettant au point des « stabilisateurs automatiques » : « excédent de la balance des échanges extérieurs et équilibre des finances publiques ». Mais voilà, l’Allemagne est l’un des rares pays a s’être appliqué une telle discipline. Le bon élève européen se voyait obligé de rattraper les mauvaises notes des pays plus dépensiers et de là sont nés les premiers problèmes. Concrètement, l’Allemagne devait payer pour les autres : « Avec 200 milliards d’excédent extérieur, l’Allemagne finance aujourd’hui les déficits de 12 pays dont la France qui y « abonde » pour plus de 45 milliards , plus de 3% de son produit national, niveau jamais atteint depuis 1950 ».
La crise financière de 2007 et celle que subit actuellement l’Europe n’est donc pas nouvelle et résulte de l’échec de la politique monétaire européenne. Pour que l’Europe et la France évitent de retomber dans de tels travers , Alain Cotta met en avant trois hypothèses pour régler le problème de l’euro.
Acte 3 : le dénouement
Pour lui, « trois grandes voies sont ouvertes au remaniement de l’euro. »
Voie 1 : « La première est la voie officielle, politique : l’euro doit demeurer la monnaie - unique - d’un ensemble de nations qui devront observer, pour atteindre cet objectif, plusieurs conditions dont le « bouquet » ressemblerait à l’adoption de la fleur allemande par chacune ». Une voie que soutiennent les entreprises (surtout les grandes), les politiques de tous les pays , l’électorat vieillissant rentier qui protègent leur patrimoine et des institutions financières mondiales (FMI, Banques centrales des Etats-Unis et de la Chine). L’euro est cerné et surveillé, d’où le fait que rien ne devrait changer.
Voie 2 : Le retour à la monnaie commune L’écu, référence de toutes les monnaies nationales avant l’arrivée de l’euro est le système que privilégie Alain Cotta. Pourquoi ? Pour l’économiste, ce système a deux avantages : « il conserve l’indépendance monétaire des nations tout en soumettant les monnaies a une même référence disciplinaire ». Chaque pays est ainsi libre de dévaluer sa monnaie ou jouer sur l’inflation.
Voie 3 : La mort de l’euro « L’éclatement de l’euro, à terme plus ou moins éloigné, du trimestre à deux ans , se présente comme l’évolution la plus probable, dont les modalités dépendent essentiellement de la tenue du fameux ciment franco-allemand », en clair si l’un des deux Etats décide de quitter l’euro , l’autre le suivra et entraînera tous les autres pays de la zone euro dans son sillage. Les politiques d’austérité des principaux gouvernements européens ne vont rien arranger aux affaires d’un euro de moins en moins consensuel. L’Allemagne qui en a marre d’être la vache à lait de l’euro pourrait s’en aller. Pour cela, elle devra revoir sa stratégie commerciale. Le géant européen dont les exportations vont pour 46% vers les principaux pays de la zone euro sera dans l’obligation de regarder ailleurs, pourquoi pas vers son voisin russe ? Et même d’augmenter ses exportations vers le Royaume-Uni et les USA.
Alain Cotta, Sortir de l’euro ou mourir à petit feu, édition Plon, collection Tribune Libre