Le tribunal correctionnel de Lille a relaxé lundi deux couples de parents d’enfants roms qui avaient mendié à un carrefour à Lille, quémandant des pièces auprès d’automobilistes arrêtés aux feux tricolores, pour, avaient-il affirmé, acheter à manger.
"L’élément moral de l’infraction n’est pas constitué", a déclaré la présidente Alexa Fricoyt. Une peine d’un mois de prison avec sursis avait été requise dans l’après-midi par le parquet à l’encontre des parents de cinq enfants roms, âgés de 7 à 11 ans, qui avaient été "pris en charge" par la police le 4 décembre 2012.
Les enfants avaient été placés en foyer pendant deux semaines avant d’être confiés à nouveau à leurs parents sur décision du juge des enfants. Les mères des enfants, Fira Restas, 35 ans, et Mina Lingurar, 30 ans, deux belles-soeurs, en jupe longue et foulard à fleurs, sont venues seules à l’audience, sans leur mari, et n’avaient pas d’avocat.
Les deux femmes se sont exprimées en roumain, ne parlant pas français. Elles vivent avec leur famille dans des cabanes de quelques mètres carrés, sans électricité ni eau courante, dans le campement de la Porte d’Arras à Lille, le plus grand de l’agglomération lilloise avec quelque 700 occupants.
La première, en France depuis un an, mère de sept enfants et enceinte du huitième, et la seconde, mère de cinq enfants, en France depuis l’automne 2012, ont toutes deux nié avoir demandé à leurs progéniture de mendier, affirmant ignorer qu’ils le faisaient. "Je ne les envoie pas faire la manche mais j’aimerais bien qu’ils aillent à l’école", a assuré devant les juges Mina Lingurar, qui dit ne percevoir aucune aide.
Elle a expliqué que ses enfants n’avaient pas de place dans le bus-école qui se rend dans le campement où elle vit. "Je les ai laissées à la maison, je suis partie, j’ai entendu qu’elles étaient allées jouer dans un parc et qu’une voiture s’était arrêtée et leur avait donné de l’argent", a déclaré de son côté Fira Restas. Sa fille Florica, 9 ans, avait 1,60 euros en poche quand les policiers l’ont conduite au commissariat. "Même si on n’a pas d’argent, ici c’est mieux qu’en Roumanie", a assuré sa mère.
Le parquet de Lille avait décidé de poursuivre les parents pour délaissement de mineur de quinze ans compromettant sa santé ou sa sécurité, un délit passible de sept ans de prison. A l’audience, le substitut du procureur Lorène Delsaut a requis une requalification des faits, demandant que les parents soient poursuivis pour soustraction aux obligations légales, passible de deux ans de prison. "Le but n’est pas de pénaliser la misère, a-t-elle assuré, mais de leur faire prendre conscience qu’ils mettent leurs enfants en danger". Il s’agit, a-t-elle poursuivi, "de faire en sorte que cela ne puisse pas se reproduire".
"Je m’occuperai de mes enfants, cela ne se reproduira plus", ont assuré en choeur les deux mères de famille avant que le tribunal ne se retire pour délibérer.
Près de 3 000 Roms au total sont installés dans l’agglomération lilloise, dont environ 2 600 dans une quarantaine de campements sauvages