Il aura fallu plus de cinq décennies de lutte politique et d’activisme pour que la confrérie des Frères musulmans atteigne finalement le pouvoir en Égypte pour qu’elle le perde… en moins d’une année ! L’armée égyptienne, forte de son alliance inoxydable avec le Pentagone, est passée à l’acte et a écarté le président Mohamed Morsi au milieu de gigantesques rassemblements populaires caractérisées par un usage massif de pointeurs laser (du type de ceux utilisés en discothèque).
2013 est l’année de tous les dangers pour l’Égypte. La destitution de Morsi par l’armée annonce une ère troublée qui rappelle le cas Algérien en 1992. Cependant, contrairement à l’Algérie, la morphologie et la topographie particulières de l’Égypte ne permettront pas l’émergence d’une guérilla.
Ce pays de 92 millions d’habitants demeure un État-pivot pour Washington. Pas question donc de le voir basculer ne serait-ce que d’un degré vers une marge de manœuvre autonome. La sécurité du flanc méridional occidental d’Israël est en jeu et ne saurait faire l’objet d’une quelconque atteinte. A fortiori en ce moment précis où se joue le remodelage géostratégique du Proche et Moyen-Orient.
La stratégie des Frères musulmans a été d’exploiter un adoubement américain pour parvenir au pouvoir et une fois parvenus au pouvoir, y continuer leur programme secret. Or, Mohamed Morsi aurait commis des erreurs stratégiques qui l’ont disqualifié aussi bien aux yeux de ses compatriotes que de ceux des israéliens.
Primo : il a sous-estimé le pouvoir et la capacité politique de l’armée égyptienne, un véritable État au sein de l’État avec sa propre économie, son agriculture et son industrie. Fortement américanisée, l’armée égyptienne est la principale garante des intérêts de Washington. C’est elle qui a retiré l’ex-Reis Mohamed Hosni Moubarak et c’est encore elle qui écarte Morsi. Ce dernier a voulu jouer. Il a raté son coup.
Secundo : Morsi a oublié que les allégeances de ses alliés salafistes sont ailleurs et obéissent à d’autres logiques. Ces derniers sont proches des Wahabbistes du Golfe et leur trahison n’a rien d’étonnant vu le changement de paradigme opéré par Washington et Tel-Aviv dans leur approche du dossier syrien.
Tertio : Morsi a complètement échoué à faire redécoller une économie égyptienne moribonde dont les fonds souverains ont quasiment fondu en moins de trois semestres. À la guerre comme à la guerre. Morsi avait beau vouloir satisfaire en apparence les États-Unis et Israël, ce dernier ne lui faisait nullement confiance. Il fallait le tenir à l’œil. Or, la pauvreté est un puissant levier.
Il est encore trop tôt pour pouvoir appréhender ce qui se passe en Égypte et ses conséquences sur la région. Mais une chose est sûre : la région est loin d’être sortie de la zone de turbulence.