La récente invasion de l’Irak par les troupes de l’EIIL (État islamique en Irak et au Levant) cache-t-elle une révolution au niveau tactique ? Car, c’est la première fois qu’une guérilla parvient à un tel résultat : non pas la défense d’un terrain difficile d’accès (zone urbaine ou montagneuse, jungle), mais l’occupation offensive d’un vaste territoire.
Les opérations de l’EIIL se sont en effet déployées en terrain désertique, avec de l’infanterie légère exclusivement, sans char, sans artillerie et sans appui aérien. Rappelons que, jusque-là, une guérilla qui passait à l’offensive devait se transformer en armée conventionnelle : par exemple, le Nord-Vietnam doit s’équiper en chars, transports de troupes blindés et artillerie lourde pour conquérir le Sud-Vietnam ; le Polisario doit faire de même pour attaquer le Mur construit par les Marocains au Sahara occidental. Certes, l’armée irakienne organisée à l’occidentale, avec des procédures rigides, n’a pas opposé beaucoup de résistance. Néanmoins le gain territorial obtenu par les djihadistes est considérable ; il se mesure à l’échelle de deux pays (Syrie et Irak). De plus, l’offensive de l’EIIL semble conduire à une redistribution radicale des cartes au Moyen-Orient : notamment, création probable d’un Kurdistan indépendant, morcellement potentiel de l’Irak et de la Syrie.
C’est donc au regard de l’ampleur des conséquences de cette opération réalisée uniquement par des unités légères que nous avançons l’idée d’une « révolution tactique ». Que faut-il entendre à cet égard ? De notre point de vue, trois aspect entrent en considération : la maturation des tactiques dites « asiatiques » ; la rupture avec la technologie ; la nouvelle forme transnationale de l’organisation militaire.