[...] Jacques Chirac l’a appris, le mois précédent, de la bouche même de Bush Jr. Une révélation reçue d’abord avec étonnement, puis, renseignement pris, avec effroi. Lors de cette conversation téléphonique visant à convaincre son homologue français de se joindre à la coalition, George Bush Jr. a utilisé un argument singulier, affirmant que... "Gog et Magog sont à l’oeuvre au Proche-Orient" et que "les prophéties bibliques sont sur le point de s’accomplir". Sur le moment, Jacques Chirac, stupéfait, ne réagit pas.
(...)
Un jour plus tard, George Bush récidive, prononçant ces deux noms mystérieux lors d’une conférence de presse sur "l’axe du mal". L’Elysée consulte d’urgence un spécialiste. Pas en France, mais en Suisse, pour éviter d’éventuelles fuites. C’est Thomas Römer, professeur de théologie à l’université de Lausanne, qui est mis à contribution. Son rapport a de quoi glacer le sang. Gog, prince de Magog, c’est l’apocalypse. Ce personnage apparaît dans la Genèse, et surtout dans deux des plus obscurs chapitres du Livre d’Ezéchiel, prophétie d’une armée mondiale livrant la bataille finale à Israël. Un conflit voulu par Dieu qui doit, terrassant Gog et Magog, anéantir à jamais les ennemis du peuple élu avant que naisse un monde nouveau.
Pour un esprit français, l’évocation de Gog et Magog pouvait prêter à rire. Chirac, lui, ne rit pas. Cette parabole d’une apocalypse annoncée pour réaliser une prophétie l’inquiète et le tourmente. Il s’interroge aussi sur l’inculture religieuse à l’heure où les soubassements religieux sont beaucoup plus déterminants qu’on ne veut le croire dans les décisions politiques et militaires. [...]
Jacques Chirac dès lors ne s’y trompe pas. Le président américain a sommairement décrypté les Ecritures : une armée mondiale islamiste fondamentaliste menace le monde occidental qui soutient Israël. Les attentats du 11 septembre contre les tours de Manhattan en sont la preuve. [...] "Ils vont mettre la région à feu et à sang. Ils ne comprennent rien à rien et sont d’une inculture crasse en ce qui concerne un Orient déjà compliqué. Demandez-leur de vous citer le nom d’un poète arabe. C’est tout juste si pour eux l’affrontement entre chiites et sunnites ne renvoie pas à la finale d’un Super Bowl du Moyen-Orient !" Et d’énumérer tout ce qui va se passer. "Vous verrez : ils vont mener une guerre de Pandore, la gagner rapidement, mais le plus dur alors commencera."
(source : l’express)
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