Egalité et Réconciliation
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Doucet & Albertini : le travail douteux de deux journalistes du système

Bonus : entretien complet avec Isabelle Chazot sur Alain Soral

Deux journalistes, qualifiés de spécialistes de l’extrême-droite par les médias mainstream, viennent de sortir un livre chez Flammarion intitulé :

« La fachosphère : comment l’extrême droite remporte la bataille du net ».

À l’origine le livre devait s’appeler Réinfosphère

D’après nos informations, au moment où ils démarchaient les témoignages, le livre devait s’appeler « Réinfosphère » et non pas « Fachosphère », sans doute pour ne pas effrayer ceux qui seraient prêts à témoigner et donner l’impression que les auteurs ne s’adonnaient pas à la partialité.

Dans leur livre, Dominique Albertini, journaliste à Libération, et David Doucet, journaliste aux Inrocks, affirment avoir mené une « enquête de deux ans pour comprendre les parcours, les idées, les réseaux et les moyens des partisans de l’extrême droite sur Internet, notamment à travers le blog Fdesouche et la plate-forme SOS racailles ». Plusieurs sites internet sont passés au crible et un chapitre entier est consacré à l’humoriste Dieudonné et à l’essayiste Alain Soral. Décryptage du livre à travers trois passages, dont un dialogue inédit et exclusif à propos d’Alain Soral, qui révèlent un manque de déontologie ainsi qu’une certaine malhonnêteté.

 

Les journalistes font la promotion du site Fdesouche

Dans un entretien sur France Inter, les journalistes affirment que le site Fdesouche est le navire amiral de la fachosphère sur le net. Dans le livre à la page 22, on peut lire ceci :

« Le jeune homme s’appelle Pierre Sautarel. Si Zemmour le connaît sans l’avoir jamais vu, c’est que ce trentenaire est à la tête de Fdesouche, le site le plus connu de la fachosphère. »

Or, il suffit de consulter le site alexa.com, qui mesure la fréquentation des sites internet les plus importants pour constater que c’est faux. Le site Égalité&Réconciliation, faisant partie de la fachosphère selon les deux journalistes, se classe à la 294ème place en France, tandis que le site Fdesouche se trouve loin derrière à la 575ème place. Ce classement est celui du 29 septembre 2016 mais ceux qui ont suivi la fréquentation des deux sites constateront qu’E&R a toujours été devant. Pourquoi une telle inexactitude ? Les auteurs chercheraient-ils à faire la promotion de Fdesouche qui valide une ligne hostile à l’islam et aux musulmans ? La stratégie de la tension est-elle une exigence dictée par le pouvoir en place aux médias institutionnels ? Ces questions méritent en tous les cas d’être posées. Ce qui est sûr c’est que David Doucet avait co-rédigé un article en 2011 qui ménageait étrangement Fdesouche et qui se demandait si on lui faisait un bon procès.

 

Gilad Atzmon affirme que ses propos ont été tronqués

Dans le chapitre consacré à Soral et à Dieudonné, les journalistes affirment s’être rendus le 27 juin 2015 au théâtre de la Main d’Or à l’occasion de l’événement « Je ne suis pas Charlie ». À la page 154, ils qualifient le jazzman britannique Gilad Atzmon et l’écrivain franco-marocain Jacob Cohen de « cautions israélites du duo, dont ils partagent l’ “antisionisme” virulent ». À la page suivante, on peut lire ceci :

Porté par le public, Atzmon poursuit :« J’ai sorti un livre récemment qui vous permet de comprendre le vocabulaire juif. Je vais vous donner quelques exemples. Vous savez ce qu’on appelle l’antisémitisme ? Des gens honnêtes qui ont eu le malheur de s’attaquer aux juifs ».

Problème : Nous avons joint Gilad Atzmon et il dément catégoriquement avoir prononcé cette phrase. En effet, dans son livre, on peut lire ceci :

« Antisemites are brutally honest people, often of Jewish origin. », ce qu’on peut traduire par : « Les antisémites sont des gens brutalement honnêtes, souvent d’origine juive ». Ce qui n’a évidemment pas la même teneur et ceci pourrait avoir pour but de diffamer le philosophe. Nous avons demandé à Gilad Atzmon de réagir, voici la traduction de ses propos :

« Ma réaction est simple. Si je suis aussi mauvais qu’ils le disent, pourquoi est-ce qu’ils fabriquent mes citations ? Ils peuvent certainement trouver quelque chose dans mes écrits ou dans mes performances publiques qui est vraiment mauvais ou vicieux. Apparemment, ils ne le peuvent pas ! Mais la leçon de tout ceci est simple. Le comportement fourbe est, de façon tragique, inhérent au mode opérationnel de la nouvelle gauche. »

 

La sélection biaisée des propos sur Alain Soral

La journaliste Isabelle Chazot a dirigé le magazine 20 ans pendant de nombreuses années. Alain Soral a également contribué à ce journal et elle l’a très bien connu, raison pour laquelle le journaliste David Doucet l’a sollicitée pour contribuer au contenu du livre. D’après nos sources, elle a demandé à pouvoir relire les citations utilisées dans le livre et ne souhaitait également pas être citée dans un contexte négatif.

Voici le message envoyé par Isabelle Chazot à Alain Soral :

Le 26/09/2016 16:45

Suite au livre ridicule sur la « fachosphère ». On vient de me dire que j’avais été citée dedans.

Je t’envoie, en deux temps, l’historique de mes échanges avec David Doucet (qui pourtant n’a pas mauvaise réputation et m’a toujours paru plus réglo que les autres). À l’origine, tu verras, il s’agissait d’un livre sur la « réinfosphère » pour corriger celui de Streetpress, qui était « à charge » et mal informé. En PJ, tu peux lire ses questions et les réponses que j’avais envoyées, en demandant bien à relire au cas où il s’en servirait. Evidemment, il ne m’a rien fait relire. Ni tenu la promesse de ne jamais me citer dans un contexte négatif.

Isabelle.

Voici l’échange de courriel qui montre l’engagement de David Doucet envers Isabelle Chazot :

Le 18 octobre 2015 16:34

Voilà.

J’espère que ça te conviendra. Si tu as besoin d’éclaircissements, renvoie-moi le texte avec tes interventions en rouge.

Si tu veux me citer dans ton livre ou te servir de certains extraits avec guillemets, j’aimerais bien relire le passage.

À bientôt,

Isabelle.

Date : Dimanche 18 octobre 2015, 20h11

Bonsoir Isabelle,

Tes réponses sont supers. Je te tiens au courant des quotes que je garde.

Merci beaucoup.

A bientôt

David

Le 18 octobre 2015 20:49

Contente si ça peut t’aider.

Ce qui m’importe, si tu me cites, c’est que ce soit toujours pour des traits positifs, ou dans un contexte positif. Jamais pour critiquer. Dans ce cas, tu dis « une connaissance », « ses anciens collègues » enfin tu vois. Ma plus grande hantise, vu ce qu’il se prend sur le museau de tous les côtés, c’est de sembler hurler avec les loups, trahir ce qui a été une amitié, ou pire – infamie suprême ! – me faire mousser, ou bien voir à ses dépens par des gens qui me débectent.

Tu me comprends, je pense, et je te fais confiance.

Isabelle.

Date : Dimanche 18 octobre 2015

Oui je te comprends parfaitement. Et je respecte cette fidélité d’amitié.

Les promesses n’ont pas été tenues ainsi que le démontre le passage consacré à Isabelle Chazot en page 136 et 137 :

« En 1993, c’est cette plume subversive que décide de recruter Isabelle Chazot, rédactrice en chef du magazine 20 ans. Dans les bureaux de verre de ce mensuel féminin atypique, la dégaine en blouson noir de Soral détonne. Chazot se souvient d’un personnage « cossard et saturnien » qui « foutait un peu la trouille et attirait en même temps » : « Il avait du mal à accepter les contraintes de la vie de bureau : la hiérarchie, la régularité dans la production, les petites rivalités, sans parler des horaires puisqu’il travaillait la nuit et se réveillait au début de l’après-midi. Il avait une cérébralité hyperdéveloppée, et je pense, un étage affectif un peu atrophié…Ça se ressentait dans ses articles. Il écrivait des textes très découpés, denses, dans un style cinglant, un peu sec.« À son bureau, Soral lit du Baudrillard et trimballe toujours avec lui L’Être et le Code, le magnum opus du sociologue Michel Clouscard réputé proche du Parti communiste, qu’il a entièrement annoté. « Il était déjà très politisé, poursuit Chazot. À l’époque, il n’était pas question d’un rapprochement avec le Front national, puisqu’il était marxiste. Mais la gauche caviar régnait, le Parti communiste avait tourné casaque. Les distances avec ce gloubi-boulga idéologique étaient maximales. Que ce soit sur les questions sociétales (antiracisme, féminisme), géopolitiques (guerre d’Irak), économiques et sociales (grèves de 1995), il était clairement positionné sur ce qu’on a appelé plus tard « la gauche réac » : le contraire du libéralisme-libertaire. Contre l’élite financière et médiatique ; pour le peuple et les valeurs nationales traditionnelles. »

En réalité, les propos d’Isabelle Chazot sont beaucoup plus nuancés que ce que le laisse croire le livre. Les passages les plus positifs ont été systématiquement évincés et les passages les plus négatifs ont été délibérément retenus. Il y a un décalage flagrant entre l’extrait du livre et la totalité de l’entretien que lapravda.ch a pu se procurer en exclusivité.

 

Entretien intégral entre David Doucet et Isabelle Chazot

 

Comment est-il arrivé à 20 ans ?

C’est Simon Liberati qui m’a présenté AS fin1993, quand j’ai pris la rédaction en chef du titre et que je cherchais des plumes originales, qui collent au ton du journal. Simon travaillait pour 20 ans depuis peu. Ils militaient tous les deux dans une cellule du parti communiste consacrée aux medias et aux professions du spectacle, qui faisait de l’agit-prop’, et qu’AS dirigeait (à vérifier). Il avait déjà écrit un livre, Les Mouvements de mode expliqués aux parents, constitué de typologies sociologiques et vestimentaires amusantes (on allait les multiplier dans 20 ans) et fait un peu de journalisme. Mais je crois que cela ne se passait jamais très bien. Ce n’était pas le profil qui supporte les contraintes de la vie de bureau : la hiérarchie, la régularité dans la production, les petites rivalités, sans parler des horaires (il travaille la nuit et se réveille au début de l’après-midi). Nos routes devaient aussi se croiser par d’autres biais. J’étais très amie avec le sociologue marxiste François de Negroni, un des disciples du « premier cercle » du philosophe Michel Clouscard. J’aimais beaucoup les livres de FDN ( L’Afrique fantasme, Le Savoir vivre intellectuel, La France noble…) qui décryptent avec férocité les travers de la modernité post-soixantuitarde. On a retenu Philippe Muray, mais Negroni, c’était un peu le même bois. C’est dans ses livres que j’ai compris que les rappeurs intériorisaient les préjugés racistes, que l’antiracisme reprenait les mêmes catégories que le racisme, que la pseudo-libération de la femme signait une soumission au marché bien plus aliénante, etc, etc. Je suis une des nombreuses personnes que l’œuvre de Clouscard a « éclairées ». Pour faire court, j’ai réalisé que les réticences mondaines que je ressentais dans la vie – j’étais jeune encore ! – en termes psychologiques (timidité, dégoût, ennui), c’était… de la lutte des classes !

De son côté, après une vie de patachon branché, AS venait de découvrir les livres de Clouscard, via son ami du PC Marc Cohen (aujourd’hui rédacteur en chef de Causeur). Quand on s’est rencontrés, il était déjà très balèze politiquement, plongé dans L’Être et le code ou La Bête sauvage, qui sont des livres assez ardus, mais qu’il dévorait. C’est lui qui a pris la peine de m’expliquer Clouscard. Il parlait, parlait, parlait… et j’écoutais, enthousiaste !

 

Qu’y faisait-il ?

Dans un premier temps, il a écrit des articles, comme on les faisait à 20 ans, sur des thèmes improbables. Un sujet sur La Grâce, je me rappelle, très pascalien, inspiré par son expérience au Palace. 20 ans, c’était très méchant : « Votre père cherche t-il vraiment du travail ? », « Mon mec veut ma peau », « J’ai tué ma meilleur amie par inadvertance »… On disait des horreurs sur des gens bien vus, Pierre Arditi ou Jacques Derrida. Il s’est spécialisé dans la sociologie décalée. Un sujet sur la maladresse par exemple (de la perversité inconsciente). Un autre sur les combinaisons de couples, où s’échangent des dots symboliques, et leurs chances de réussite (« Est-ce que ça peu marcher ? Non »). Des dialogues : une mère et sa fille confrontent leurs conceptions de l’amour (libertaire pour la mère, réac’ et sentimentale pour la fille, mais tu vois que ça se retourne). Parfois, même pas de personnages, juste un ping-pong virtuel (beauté vs intelligence). C’était fin et drôle. Enfin, on aimait beaucoup les romans photos à 20 ans, il a conçu, je crois, celui du Marxisme expliqué aux jeunes. Ces articles nous aidaient à prendre une distance critique par rapport à notre propre jeunesse et nos ambitions ( « Les rêves idiots », « Les métiers pourris », « Le succès rend-il con ? »). On se soupçonnait mutuellement de régression narcissique ou de connivence bourgeoise. Il y avait des disputes terribles.

 

Y prenait-il du plaisir ?

Je crois que ça lui était assez pénible d’écrire, ou d’écrire pour 20 ans, je ne sais pas. Après, il était content. Mais il fallait beaucoup de patience pour l’intéresser aux sujets, d’effort pour le convaincre de s’y mettre, de discussions, parce que c’est plus un orateur qu’un « écrivain ». C’est un concepteur pur, pas du tout dans l’écriture narrative et drolatique qui régnait à 20 ans (où Simon, en revanche, excellait). Il a une cérébralité hyper-développée, et je pense, un étage « affectif » un peu atrophié… Ça se ressentait dans ses articles. Il écrivait des textes très découpés, denses, dans un style cinglant, un peu sec. Tu vois ça dans son livre Comprendre l’empire : c’est des enchaînements conceptuels… on dirait un plan ! Ne pas oublier que c’est un autodidacte, il n’a pas de formation universitaire, je pense même qu’il méprise ça, l’expertise, la méticulosité, le respect d’un corpus. Il va vite. Il est excessif. Il avance par fulgurances. Forcément, il y a de la casse. Cela dit, j’adorais discuter avec lui, même si on n’a jamais fait de co-écriture. Une fois lancé, il était très autonome, il avait simplement besoin d’encouragement. C’est une époque de sa vie où il était un peu flottant. Bientôt il allait se marier, quitter Paris.

 

Quelles relations entretenait-il avec Houellebecq, Liberati et les autres grandes plumes du journal ?

Avec Houellebecq aucune. Ils ne se sont jamais croisés à 20 ans, mais c’est Alain (qui est fondamentalement un renifleur de tendances, un prescripteur, un « branché » quoi !) qui m’a conseillé de lire Extension du domaine de la lutte à sa sortie, en me disant « Tiens, il y a un type qui a fait un livre pas mal. Si Simon était moins paresseux, il pourrait écrire un roman de ce genre ». Je me rappelle qu’il a ajouté : « Le mec doit être moche, bouffé de frustration et de haine », ce qui m’a rendu furieuse pour Simon ! Evidemment, ce n’est pas du tout comme ça que j’ai perçu Houellebecq quand je l’ai rencontré. Plus tard, lorsqu’il a sorti Sociologie du dragueur, il a envoyé son livre avec son téléphone à MH, qui a souhaité le rencontrer. L’entrevue s’est passée, avec la femme d’Alain, mais je n’ai pas eu d’écho. Alain m’a dit que H. jetait des petits coups d’œil envieux sur M... H. ne m’a rien dit. Avec Simon, ils avaient des relations amicales et rieuses, de séduction inévitablement mêlée de rivalité. Hélas, on n’a quasiment jamais réussi à être copains tous les trois en même temps, il y avait toujours un exclu. Après une brouille épique entre AS et moi, Simon a pris mon parti, et Soral a claqué la porte, écrit son livre sur la drague, tourné son film. Mais on pensait presque tout le temps à lui. Il nous a inspiré un nombre inépuisable de sujets, de jokes. La statue du commandeur… Plus tard, vers 1998-99, AS m’a rappelée et on a recommencé à travailler ensemble, d’autant plus paisiblement que Simon était parti à FHM à ce moment-là. On a entamé une collaboration régulière, avec sa rubrique mensuelle, Dissection, où il abordait des thèmes plus directement sociétaux, qui dézinguaient à tout-va : le Dalaï lama, Marilyn Monroe, l’usage du shit… Il repris ces textes dans Abécédaires de la bêtise ambiante. Les deux se sont réconciliés en 2003, au moment où Simon apportait les dernières touches à son premier roman, Anthologie des apparitions, et où il cherchait un éditeur. AS a recommandé le livre à Beigbeder, qui l’a publié (chez Flammarion). Ca s’est très mal passé ! « Les gens de lettres » ne connaissent pas trop les codes de l’honneur et de la gratitude, apparemment. AS a giflé Beigbeder dans une soirée mémorable et Simon et lui se sont de nouveau fâchés, de façon assez définitive, je crois, malgré l’intérêt réciproque (me parlaient toujours l’un de l’autre). Aujourd’hui, ils ne se voient plus, mais je pense que c’est calmé.

 

Vis-à-vis du monde des médias, du show-business, avais-tu le sentiment qu’il cherchait à s’y intégrer ou à le contester ?

C’est ambigu. Evidemment, nous cherchions tous à créer quelque chose, à exister. AS avait une longueur d’avance, peut-être, à cause des Mouvements de mode, qui avaient connu un certain succès dans les années 80. Son charisme pouvait le pousser à être ambitieux. Il n’hésitait pas à aller dans des émissions de télé qui me semblaient le troisième cercle de l’enfer, sans doute parce qu’il voyait plus loin et croyait en son destin. Mais nous étions, pour des raisons finalement assez logiques, en marge, « tricards ». Il y avait nos idées politiques, mais aussi une sensibilité, une ironie, un désintéressement. Nous méprisions le showbiz, trouvions les stars ridicules, le germanopratisme ringard, vomissions la presse « libertaire », les Actuel, Libé… Ce que nous voulions, ce n’est pas intégrer le système mais vraiment renverser la table. Il le dit souvent, et je pense que c’est vrai, AS a repoussé beaucoup de propositions, et de mon côté, j’ai été approchée à ce moment là par tous les féminins connus, et j’ai tout refusé. Bref, nous étions très ambitieux !

 

Lui connais-tu un engagement politique ou au moins un positionnement personnel dans les années 1990 ?

Oui bien sûr, il était très politisé. À l’époque, il n’était pas question d’un rapprochement avec le Front National, puisqu’il était marxiste. Mais la gauche caviar régnait, le Parti communiste avait tourné casaque. Les distances avec ce gloubi boulga idéologique étaient maximales. Que ce soit sur les questions sociétales (antiracisme, féminisme), géopolitiques (guerre d’Irak), économiques et sociales (grèves de 95)… il était clairement positionné sur ce qu’on a appelé plus tard « la gauche réac’ », un peu comme tu dirais Michéa, le contraire du libéral-libertaire, du bourgeois bohème. Contre l’élite financière et médiatique ; pour le peuple et les valeurs nationales, traditionnelles. Mais tu trouves tout cela dans ses livres mieux exprimé. Avec cette réserve que c’est un enfant de son époque, et que lui-même n’a jamais mené une vie bourgeoise traditionnelle…

 

Comment a-t-il vécu l’échec critique et commercial de son film ?

Quand il s’est mis sur son film, je n’ai plus eu de nouvelles. C’était une double déception : un, parce que je ne le voyais plus, deux, parce qu’il s’obstinait à vouloir faire du cinéma (milieu de merde). D’un autre côté, cela a du être une aventure intéressante et lui apprendre des choses : il allait enfin comprendre ce que c’est que travailler en équipe, négocier, lutter contre l’entropie, la volonté des choses à ne pas se faire, composer avec le narcissisme des uns et des autres, etc. Ça l’a fait mûrir. L’échec du film l’a sans doute atteint. Mais surtout, ça du le conforter dans son destin « antisystème ». Au moins, il a cessé d’en rêver. Je ne crois pas que les mauvaises critiques l’aient abattu, plutôt le ravir. En revanche, j’imagine qu’il rêvait d’un jackpot commercial, qui lui assurerait l’autonomie (illusoire !). En tout cas, il est faux de dire qu’il s’est radicalisé à cause de cet échec ou qu’il a puisé sa niaque dans un dépit. La radicalité fait vraiment partie de sa personnalité. Chaque fois que je lui ai donné un conseil de nuance ou de prudence, il m’a envoyé paître : « Tu veux faire de moi un chien de salon. » Et puis, lui ne voit pas du tout son film comme un échec, il pense que c’est un très bon film et que la postérité lui rendra justice un jour !

 

As-tu le sentiment qu’un ou plusieurs épisodes en particulier ont été déterminants dans son évolution politique et personnelle ?

Quand je l’ai connu, il avait déjà 30 ans et son caractère et ses idées étaient bien marqués. Je ne sais pas si les évènements infléchissent vraiment une personnalité. L’essentiel est déjà inscrit dans ton enfance, ton histoire familiale, et même avant ta naissance ! Son évolution politique est jalonnée de rencontres, qui ont à l’évidence une dimension affective : Clouscard, Le Pen, Dieudonné… Ce sont des hommes qui chacun dans leur partie, ont un destin de « parias ». Il se reconnaît en eux. Il y a aussi un aspect romantique et d’auto-construction : le déclassé, le rejeté des salons, puis des medias, le séducteur punitif des bourgeoises prétentieuses, le robin des bois des jeunes prolos, etc. Je dirais que l’évolution politique entre dans la cohérence d’une personnalité.

 

Avez-vous discuté avec lui de son rapprochement avec Dieudonné ? Que savez-vous de leur relation ?

C’est amusant, parce qu’à la base, Dieudonné n’était pas sa tasse de thé. Quand on a fait « Le comique n’est pas drôle », à 20 ans, pour dénoncer les humoristes accrédités par le pouvoir, AS a voulu l’illustrer par une photo de Dieudonné, parce qu’à l’époque, il était proche de SOS racisme, je crois. Je me rappelle aussi que j’ai eu une hésitation. C’était un peu injuste, parce que celui-là était drôle ! Le rapprochement a eu lieu, je présume, en 2003, après le fameux sketch chez Fogiel, mais on était fâchés à ce moment là. En revanche, on était réconciliés en 2004, quand lui-même s’est fait allumer après l’émission Complément d’enquête, où il me semble qu’on aperçoit Dieudonné, songeur à l’arrière fond, tandis qu’AS, dans une cave enfumée, blablate sur les « juifs sionistes ». Je me rappelle très bien qu’il m’avait dit avant la diffusion : « Complément d’enquête a voulu me piéger », et que j’avais répondu : « Mais ça va, tu contrôles ce que tu dis ? » Il m’avait rembarrée, furax : « Je ne contrôle rien du tout, je dis ce que je veux ! ». Il était à bout. C’était une époque assez sombre. Plus de travail, plus de terrain d’expression. 20 ans avait été vendu. La presse se verrouillait. Provoquer l’affrontement avec des « ennemis », qui enfin prennent un visage, c’est une façon de reprendre la main. Du reste, les ennemis ne se sont pas fait prier, puisqu’il a été victime d’une agression ultraviolente peu après. Forts de ces faits d’arme, AS et Dieudonné se sont trouvés. Leur duo s’est soudé contre les maîtres du jeu et surtout le ramassis de « cloportes » qui continuent à plier l’échine pour avoir du taff (genre moi…). Ils se considèrent comme les kings de la dissidence ! C’est marrant de voir qu’avant ça, Dieudonné était en duo, avec Elie Semoun, et qu’Alain aussi a toujours fonctionné avec un double, longtemps c’était Marc Cohen, qui est tout petit et tout rond. Don Quichotte et Sancho Panza. Il y en a eu d’autres. Ce sont des mecs qui marchent en couple.

 

Comment décrirais-tu sa personnalité ? Est-ce qu’à l’époque, c’était déjà une forte tête ?

Quand je l’ai connu, c’était déjà un personnage. Il foutait un peu la trouille et attirait en même temps, plutôt des garçons, qui se lançaient des défis intellectuels, de virilité ou déconnade tout le temps. Il exerçait sur leur petit groupe une fascination à la fois par son autorité naturelle et sa dimension… comique. Ca a été pareil à 20 ans, j’imagine que c’est encore le cas aujourd’hui. C’est un dominant (à la André Breton, De Gaulle, Capitaine Haddock…), qui sécrète sa propre dérision. Il a aussi un côté « artiste » très marqué, il est cossard, rêveur, saturnien. Visionnaire parfois (par exemple, c’est un petit détail qui me revient, mais il y a bien longtemps, il m’a dit : « un jour, il n’y aura plus de voitures individuelles, ça n’a aucun intérêt, on empruntera les voitures à des bornes »… il avait prévu l’Autolib’ ! ). Et un côté actif, péremptoire, c’est un chef né. Il connaît peu la douceur de l’échange égalitaire, le charme du badinage (un peu quand même, mais pas longtemps). Il est expéditif (vous élimine facilement du cercle), odieux, injuste … Mais ce n’est pas un tyran ou un dingo. Il entre rarement dans des querelles personnelles, ce n’est pas un manipulateur, comme je l’ai vu chez des patrons de journaux ou de partis politiques, pas un fourbe, un machiavel. Je crois que ça ne l’intéresse pas d’exercer du pouvoir sur les gens. Donc : une forte tête, il l’a toujours été, son risque c’est de prendre « la grosse tête ».

 

 

Nous avons bien évidemment cherché à joindre David Doucet pour lui demander quelques explications dans le cadre d’une interview. Celui-ci nous a renvoyé vers le service de presse de Flammarion qui nous a répondu de la façon suivante :

« Je ne vais, malheureusement, pas pouvoir donner une suite positive à votre demande. David Doucet et Dominique Albertini ne vont quasi pas donner d’interviews en presse écrite afin de laisser le livre exister par lui-même et être chroniqué en toute objectivité par les journalistes de presse écrite. »

Alimuddin Usmani

 

Sur les médias aux ordres chez Kontre Kulture

Doucet & Albertini, valets du Système, sur E&R :

 






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