Qu’est-ce qu’il y a de mal à gazer son propre peuple ? Après tout, c’est ce que fait la Californie et l’Oklahoma projette d’en faire autant, et ce sont des États fort évolués. Je n’aimerais pas que les Russes larguent leurs missiles hurlants sur Sacramento : ils n’ont pas besoin de renfort pour gazer les gens, chez eux. Gazer la population d’un autre pays peut être considéré comme une ingérence indue, mais si vous gazez votre propre population, c’est vos oignons, incontestablement. Occupez-vous de vos affaires, donc, gazons gaiement, mais chacun chez soi.
Et s’il s’agit de magnifiques bébés qui vous font de la peine, aux US on tire la chasse d’eau, un million de superbes bébés sont vendangés tous les ans par les avortistes. Vous aimeriez que Vlady Poutine atomise le quartier général du Planning familial au 434 West Street à New York, sous prétexte qu’ils massacrent tellement de jolis bébés ?
« Son propre people » c’est qui ? Voilà une question qui se prête à bien des interprétations. Il y a quelques années je me suis rendu aux funérailles d’une jeune fille palestinienne chrétienne qui avait été gazée à mort dans sa chambre à Beit Jalla près de Jérusalem (ils avaient lancé une grenade lacrymogène par sa fenêtre). Si vous dites qu’elle n’en faisait point partie, du peuple israélien, alors, dans cette même mesure, les juifs allemands ne faisaient point partie du peuple allemand, et par conséquent, Hitler n’a point « gazé son propre peuple », ce qui lui confère une supériorité notoire, si l’on s’en tient à la version autorisée par l’ADL (AntiDefamation League), sur Bachar el-Assad.
Pourquoi donc est-ce si horrible aux yeux du Seigneur de gazer des gens et/ou de magnifiques bébés, alors que les faire frire dans le napalm ou les arroser d’agent Orange ou les faire crever de faim est hautement recommandable ? Ou encore les atomiser, certes. À moins que l’atomisation de Nagasaki soit un crime plus insignifiant que tous les autres ? Si c’est une question d’esthétique, je pense que le napalm permet de faire les pires photos de bébés grillés jusqu’à l’os, tout à fait comme celles qu’on prend à Gaza après un raid israélien. Ce sont des photos si horribles que j’ai interdit à mon éditeur italien d’en mettre une sur la couverture de mon livre. Franchement, à côté de ça, les gazages, c’est presque joli.
Pour toutes ces raisons, je ne chercherai pas à polémiquer sur la question de savoir si Assad l’a fait ou pas. C’est une sombre histoire, et les Russes, avec la presse alternative, ont sorti un certain nombre de versions contradictoires entre elles, style Rashomon. Toute l’affaire relevait de l’opération sous faux-drapeau soigneusement préparée par les rebelles et/ou les Américains ; à moins qu’il se soit agi d’un monstrueux accident, résultant d’une frappe aérienne syrienne sur une fabrique d’armes chimiques rebelles, comme dans le cas des US une semaine plus tard ; ou bien encore c’était une combinaison des deux, les rebelles mettant à profit la fuite pour déclencher l’enfer. Washington, ce n’est pas Kurosawa, et l’administration Trump a immédiatement déclaré qu’ils savaient ce qui s’était passé juste avant la catastrophe, exactement comme Bush et Netanyahou qui savaient tout tout de suite sur le 11 Septembre. Pour moi cela n’a pas grand intérêt, de quelle façon ces quatre-vingt personnes sont mortes, parmi les centaines de milliers qui ont péri dans les guerres du Moyen-Orient déclenchées par Bush senior et poursuivies par ses successeurs méritants.
Le verdict officiel de Washington n’a pas grande valeur après l’histoire des couveuses débranchées au Koweït, les armes de destruction massive dans une fiole brandie par Colin Powell, les atrocités libyennes et autres fausses nouvelles. Ils ont trop souvent crié au loup pour qu’on les écoute cette fois-ci. Je n’accorde foi à rien de ce que les médias mainstream nous racontent, car ce sont des menteurs invétérés, et ils l’ont prouvé eux-mêmes. Mais qui s’en soucie, même si c’était vrai, après avoir entendu la secrétaire d’État Madeleine Albright en personne dire que ça valait la peine de massacrer 500 000 magnifiques petits bébés, juste pour affaiblir l’Irak ?
Je vous conseille donc de ne pas vous attarder sur le film d’horreur de « Bachar gazant son propre peuple », chassez tout ça de votre esprit. On s’en fout : c’est juste une guerre psychologique à l’œuvre, contre votre propre peuple, contre vous, lecteurs, précisément. Rejeter ces histoires vous permettra de retrouver votre capacité à juger droit. Envoyez-les promener, oubliez tout ce dont ils veulent que vous discutiez, et vous regagnerez votre liberté de pensée.
Ceci étant, l’histoire sous-jacente du virage à 180° de Donald est une histoire des plus réjouissantes à certains égards, en tout cas elle mérite qu’on s’y arrête. Sans fioritures superflues (style « il a vu les bébés morts ») elle est encore meilleure. Après des années de tweet contre les guerres du Moyen Orient et l’amitié avec la Russie, après ses coups de boutoir contre la caste dirigeante et après avoir gagné, une reddition aussi complète, c’est ahurissant.
Ça l’est moins si on considère ce qui l’attendait : être chassé du pouvoir et enfermé dans les cachots d’Alcatraz ou de Guantanamo. La CIA et le New York Times avec l’aide du pouvoir judiciaire et du toujours félon McCain avaient comploté de le boucler ou de l’abattre, et il n’a pas trouvé d’autre moyen pour sauver sa peau que d’aller à Canossa, fissa.
Trump avait quelques ambitions, mais le martyre, ça n’entrait pas dans ses projets. Tourner casaque, c’est choisir de rester en vie pour repartir à l’attaque, plus tard, s’est-il dit, avant de bannir Bannon et de bombarder la Syrie.