Après dix ans de procédure, les associations SOS-Racisme et La Maison des potes crient victoire : la cour d’appel de Versailles a condamné vendredi 18 mars 2016 le bailleur social francilien Logirep pour discrimination raciale.
Le bailleur, à la tête d’un patrimoine de 37 000 logements, est condamné à payer une amende de 25 000 euros et 12 000 euros de dommages et intérêts aux trois parties civiles. Les magistrats prennent sur ce point le contre-pied des juges de première instance du tribunal correctionnel de Nanterre : ils avaient condamné en 2014 Logirep pour fichage ethnique, mais l’avaient partiellement relaxé des faits de discrimination raciale.
L’affaire remonte à juillet 2005. Frédéric Tiebouyou, agent de la RATP, Français d’origine ivoirienne et candidat à l’attribution d’un logement social, se le voit refuser alors qu’il dispose d’un atout essentiel : être présenté par son employeur qui dispose d’un quota de réservations dans la tour Ouessant, à Nanterre (Hauts-de-Seine). À la réception de sa lettre de refus, qui donne comme motif « mixité sociale selon l’article 56 de la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions », M. Tiebouyou appelle immédiatement la chargée de clientèle de Logirep, lui demande des explications et enregistre la conversation.
« Trop de Noirs dans cette tour »
Cette bande-son est devenue une pièce importante du dossier, puisqu’on y entend la jeune femme expliquer qu’il y a « trop de Noirs dans cette tour » et que Logirep est « obligé d’appliquer cela dans des tours, notamment à Nanterre, parce que c’est déjà des tours qui vivent très mal, il y a beaucoup de problèmes et on essaie de mixer un peu toutes les origines et tous les revenus », donnant pour argument la loi déjà citée. S’estimant discriminé pour des raisons ethniques, M. Tiebouyou, soutenu par les deux associations, a porté plainte et une enquête a été ouverte. Elle a conduit à l’audition des membres de la commission d’attribution et à une perquisition au siège de Logirep où ont été saisis des fichiers qui mentionnent l’origine de naissance des candidats locataires.