Jusqu’à présent, quand l’on demandait aux Français les dépenses qu’il fallait diminuer, celles concernant la défense arrivaient en tête des réponses. Mais depuis quelques semaines, cette tendance semble s’inverser si l’on en croit les résultats de récentes enquêtes d’opinions.
En novembre dernier, et donc bien avant l’intervention militaire française au Mali, L’Express avait ainsi succintement évoqué un sondage, qui réalisé par Ipsos, marquait déjà un revirement. Ainsi, 45 % des personnes interrogées avaient dit souhaiter le maintien du budget de la Défense, voire même son augmentation pour 12 % d’entre-elles.
Plus récemment, une autre enquête réalisée tous les trois mois par le même institut à la demande du ministère de la Défense confirmait celle évoquée par L’Express quelques semaines plus tôt, avec 66 % de personnes interrogées favorables au maintien des dépenses militaires françaises. En outre, 63 % ont estimé que « la France devait rester une grande puissance militaire et diplomatique ».
Selon Brice Teinturier, le directeur général délégué d’Ipsos, ce retournement de tendance, amorcé il y a un an et demi, serait « solide ». Ce que semblent montrer d’autres enquêtes.
Ainsi en est-il de celle réalisée par l’institut OpinionWay, évoquée par Le Figaro du 15 mars dernier. Seulement 27 % des personnes sollicitées pour ce sondage ont estimé qu’il fallait baisser le budget de la Défense pour réduire les déficits publics, soit 13 % de moins par rapport à l’année précédente, les pistes privilégiées par la majorité des sondés pour faire des économies étant plus à chercher du côté des dépenses de fonctionnement et de personnels de l’État.
Autre sondage, celui réalisé par l’Ifop pour le mensuel Acteurs Publics et le cabinet Ernst & Young. Cette fois, il n’est pas question de savoir si le budget de la Défense doit ou non être diminué mais de déterminer s’il est bien utilisé.
Et en la matière, les avis sont partagés : 49 % estiment qu’il est bien géré tandis que 51 % pensent le contraire. « Le jugement des Français sur l’efficacité des dépenses publiques est généralement assez dur », a nuancé Damien Philippot, de l’Ifop.
Pour les sondés, les missions des forces armées doivent être, dans l’ordre, la défense des intérêts vitaux du pays (78 %), la stabilité et la protection du territoire européen (73 %), les opérations humanitaires à l’étranger (32 %), la participation à des conflits extérieurs (10 %).
S’agissant des recommandations possibles du prochain Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale (LBDSN), les personnes interrogées sont d’accord à 90 % pour intensifier les collaborations avec les armées européennes, à 83 % pour soutenir l’industrie de l’armement, à 80 % pour moderniser les équipements, à 79 % pour réviser la politique française en matière d’intervention extérieure et, enfin, à 64 % pour réduire le nombre d’implantations militaires pour réduire les coûts. Sur ce dernier point, il n’est pas certain que l’on ait le même avis si l’on habite une ville de garnison…
En revanche, les avis sur l’intensification des externalisations sont plutôt partagés, avec 56 % d’opinions favorables. Et une majorité (55 %) estime qu’il ne faut plus baisser les effectifs des armées.
L’« effet Mali » n’est très probablement pas la seule raison à avancer pour expliquer ce retournement de tendance dans l’opinion. D’une manière générale, et les protestations qui suivirent la proposition d’une ancienne candidate à l’Élysée visant à supprimer le défilé du 14 juillet, le montrent : les Français restent attachés à leur armée et ils en sont fiers.
Par ailleurs, même si l’on peut trouver que les médias n’ont font pas assez, il n’en reste pas moins qu’avec notamment l’engagement des troupes françaises en Afghanistan, des reportages évoquant la vie des militaires ou encore leurs missions ont été plus nombreux à être diffusés à la télévision et que la presse s’est intéressée à ces questions plus que d’habitude.
Les restructurations subies par les armées au cours de ces dernières années y sont sans doute aussi pour quelque chose. Et probablement que l’affaire des soldes impayées à cause des défaillances du système Louvois a eu un impact sur l’opinion.