Le réseau des 53 librairies exploitées en France sous l’enseigne Chapitre va se déclarer en cessation de paiement, lundi devant le tribunal de commerce de Paris. Le site internet « Chapitre.com » ne serait pas concerné par le dépôt de bilan de ce réseau qui appartient à la filiale du groupe Actissia (France Loisirs, Chapitre.com), dont l’unique actionnaire est le fonds d’investissement américain Najafi Companies.
En cause, selon la direction : « la fragilité de la situation économique » avec des pertes entre 15 et 20 millions d’euros depuis 2009, ainsi que des « problèmes d’approvisionnement de livres ». Les 4 500 salariés de Chapitre redoutent désormais de subir le même sort que les salariés de Virgin Megastore aujourd’hui laissés sur le carreau. La nouvelle était malheureusement prévisible : l’annonce d’un plan social en avril puis celle d’un plan de cession de certaines librairies cet automne laissaient craindre le pire. A prêter une oreille attentive aux alertes des syndicats, il ne fallait pas être grand clerc pour discerner les intentions véritables du propriétaire américain qui avait racheté en 2011 le numéro 2 de la distribution du livre en France : abandonner progressivement le secteur du livre, jugé peu rentable, pour faire main basse sur celui du e-commerce, plus lucratif, via Chapitre.com.
Alors que la dégradation de la santé économique de ce vaste réseau de librairies était notoirement connue depuis de nombreux mois, ni le ministère de la Culture, ni celui du Redressement productif, particulièrement inactifs sur ce dossier, n’ont pris la mesure de la gravité de la situation. Ce manque coupable d’anticipation conduit à présent le gouvernement à une prise de conscience tardive de l’étendue de ce drame économique ; sa faible combativité pèsera lourd lors de l’élaboration à venir d’un plan social qui s’annoncera d’ampleur historique dans ce secteur d’activité.
Nul n’ignore pourtant l’état catastrophique actuel de la filière du commerce du livre, mise à mal depuis longtemps par une pratique de la lecture en perdition, par le poids exorbitant des baux commerciaux et surtout par la concurrence redoutable des géants du commerce de la vente en ligne, dont Amazon. En sortant de sa léthargie actuelle, le ministère de la Culture doit à présent se gendarmer pour sauver ce secteur sinistré en accompagnant la mutation numérique de cette filière vulnérable, en aidant financièrement l’installation des libraires indépendants et en incitant tous les publics, notamment le plus jeune, à se tourner résolument vers la lecture.
Dans la conduite des affaires du pays, le gouvernement Hollande serait bien inspiré désormais de détecter en amont les nombreuses difficultés qui frappent trop souvent les entreprises françaises, afin de les traiter préventivement, en organisant efficacement les services de l’Etat et en mobilisant réellement les acteurs économiques et politiques de terrain. Pour Marine Le Pen, comme pour le Rassemblement Bleu Marine, l’Etat stratège ne doit plus être un Etat pompier.