Les campagnes militaires américaines se suivent et se ressemblent. Nous avions déjà évoqué la similarité entre les opérations « Tempêtes » en république serbe de Krajina en 1995 et « Jachère » en Ossétie du Sud en 2008. Mêmes objectifs de nettoyage ethnique, même soutien américain, même utilisation des armes lourdes sur les zones habitées pour faire fuir les populations civiles. Mais Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev ne sont pas Boris Eltsine et Slobodan Milosevic. La Russie a frappé vite et fort, à la grande surprise de l’OTAN, qui ne croyait pas capable l’armée russe de sortir de ses casernes.
La problématique pour les Américains en Syrie est la même qu’au Kosovo. Leurs alliés, composés de bandes armées plus douées pour terroriser la population civile que pour faire la guerre à une armée régulière, sont sur le point de se faire battre. En 1999, l’intervention américaine au Kosovo se fait en urgence, car l’UCK est battue. Pour justifier l’intervention, William Walker, agent de la CIA et chef de l’OSCE sur place fabrique de toutes pièces un « pseudo-massacre », celui de Racak. Devant la faiblesse du dossier, le TPY, par la décision de la chambre de première instance du 11 juillet 2006, renoncera d’ailleurs à utiliser le « pseudo-massacre » comme une charge contre les 9 officiels serbes accusés de crimes de guerre. Mais en 1999, peu importe alors ce que jugera le TPY sept ans après : l’essentiel est d’avoir un prétexte.
En Syrie le prétexte s’appelle Homs. Les chiffres délirants, fournis uniquement par des ONG pro-occidentales et « l’armée syrienne libre », s’épanchent dans la presse occidentale dans le seul but de retourner les opinions occidentales [1]. Il est même étonnant que l’on ne nous ait pas encore parlé de viols de masse, accusation imaginaire et récurrente du Pentagone lorsqu’il souhaite raser un pays souverain en toute impunité. L’armée syrienne menant son offensive avec succès contre les opposants, la situation est grave pour le gouvernement américain. 15 ans en arrière, la Syrie serait depuis deux mois déjà, un champ de ruine, le pouvoir serait partagé entre la mafia et les bandes islamistes, alliés traditionnels de la politique étrangère américaine.
Comme en août 2008, la situation est cette fois différente pour le gouvernement américain. Sergei Lavrov a remplacé le très conciliant Viktor Tchernomyrdine et il a toutes les raisons de soutenir Bachar El Assad. Ce dernier est un allié loyal de la Russie qui n’a jamais tergiversé comme Milosevic ou Kadhafi. C’est en outre l’occasion pour la Russie de faire respecter le droit international et le principe de la souveraineté des États, qui sont au centre de sa politique étrangère. La Russie ne peut abandonner Assad, sous peine de ne plus avoir d’allié fiable.
La véritable question aujourd’hui est de savoir si les États-Unis iront jusqu’à attaquer sans mandat de l’ONU. Au passage rappelons que les opérations militaires américaines en Irak contre Falluja furent bien plus meurtrières pour les civils innocents que la répression syrienne ne l’est à Homs. Et ne parlons pas du terrorisme fabriqué par les services américains pour amener chiites et sunnites à s’autodétruire et mieux diviser l’Irak ainsi. Mais peu importe. Le troupeau bêlant des journalistes français incultes a oublié Falluja et, surtout, veut l’oublier car les crimes contre l’Humanité américains n’existent pas dans la pseudo-culture journalistique française.
En 1999 à propos de la Serbie, aucun État n’avait sérieusement protesté contre le mépris affiché du droit international par le gouvernement américain. Aujourd’hui, la situation est différente. Militairement tout d’abord. La pierre angulaire d’une intervention américaine est le bombardement à haute altitude d’objectifs civils en toute impunité. La DCA syrienne pourrait fort bien limiter cette impunité, comme l’a fait la DCA serbe en 1999. De même, l’intervention au sol aussi serait délicate, l’armée syrienne dispose de plusieurs systèmes d’armes qui pourraient causer de lourdes pertes chez un envahisseur potentiel.
Le gouvernement américain n’a que peu d’alternatives. Le matraquage médiatique a montré ses limites. Les réactions sentimentales et larmoyantes des ministres occidentaux semblent plutôt confirmer aux Russes et aux Chinois que l’Occident est à court d’idées pour faire tomber Assad. Si les États-Unis étaient un acteur international rationnel, nous pourrions prédire l’abandon de la tentative de déstabilisation de la Syrie. L’Histoire récente a cependant montré qu’il n’en était rien. Les États-Unis sont pris entre le puritanisme fanatique des républicains qui proclament, sans sourire, que Dieu a créé l’Amérique pour dominer le monde et le cynisme absolu des démocrates, et qui suivent aveuglement les préceptes primaires de Zbigniew Brzezinski. Ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui c’est bien la Russie de Poutine qui est en train de mettre en échec le mondialisme américain et ses caniches. Et là seul réside la raison de l’acharnement médiatique occidental contre Poutine.
[1] Pour préciser cette phrase, les chiffres émanent en réalité du seul autoproclamé « Observatoire Syrien des Droits de l’Homme », basé à Londres et dirigé par les Frères Musulmans, qui sont les opposants au régime de Damas.