Shaddad Al-Attili, ministre de l’eau de l’Autorité palestinienne, savait d’avance que le refus israélien d’accepter toute référence aux "territoires occupés" palestiniens rendrait très aléatoire l’adoption d’une stratégie de l’eau à Barcelone, lors de la conférence de l’Union pour la Méditerranée (UPM) qui s’est tenue le 13 avril.
La veille de son départ, il faisait part de sa colère : "Nous ne sommes pas un Etat, nous ne sommes pas un "territoire occupé", nous ne sommes donc rien ?"
De retour à Ramallah, il est amer face à cette "nouvelle crise" et ne voit pas à quoi pourrait servir le sommet des chefs d’Etat de l’UPM, prévu en juin. "Nous avons travaillé huit mois pour mettre au point une stratégie de l’eau, ajoute-t-il. C’est une honte que l’Espagne ait accepté de rouvrir le projet de texte final accepté par 41 délégations !"
S’agissait-il, de toute façon, d’un échec annoncé ? Le 7 avril, le ministre israélien des infrastructures, Uzi Landau, avait déclaré que si les Palestiniens "continuent à déverser leurs eaux usées et à polluer les rivières et la nappe aquifère, Israël cessera de leur fournir de l’eau". Les autorités israéliennes affirment que 73 % des eaux usées par les Palestiniens ne sont pas traitées, alors que 70 % des eaux utilisées par les quelque 300 000 colons vivant en Cisjordanie le sont.
Or, si les Palestiniens acceptent que leurs villages soient reliés au réseau national israélien, ils refusent qu’il en soit de même pour les "blocs de colonies" situés en Cisjordanie, parce que ce serait reconnaître l’annexion. Shaddad Al-Attili rappelle, en outre, que les autorités israéliennes refusent toutes les demandes palestiniennes de création d’usines de retraitement des eaux usées. Au sein de la commission conjointe sur l’eau, elles conditionnent l’octroi de permis aux Palestiniens à leur approbation des projets pour les colonies.
"Quinze ans après l’accord intérimaire d’Oslo, je dois encore demander la permission à Israël pour creuser un puits en Cisjordanie ! Non seulement Israël nous vole l’eau à laquelle nous avons droit, mais nous sommes obligés d’acheter la sienne !", tempête M. Attili.
L’inégalité de l’accès à l’eau est une donnée fondamentale du conflit israélo-palestinien. Depuis la guerre de 1967, les Palestiniens n’ont pas accès aux eaux du Jourdain et l’Etat juif exploite 80 % des ressources de la principale nappe phréatique cisjordanienne, n’en concédant que 15 % aux Palestiniens. S’il est vrai que ceux-ci surexploitent les ressources à leur disposition, la consommation par habitant de Cisjordanie est de 22 m3 par an, contre 120 m3 pour un Israélien.
Or cette disparité ne peut que s’aggraver : la population palestinienne progresse d’environ 3,4 % par an contre 1,8 % pour Israël (en comptant les Arabes-Israéliens). A cette pression démographique s’ajoute l’augmentation des besoins engendrée par la croissance économique que connaît la Cisjordanie : l’Etat juif affirme encourager cette "paix économique", mais n’en tire aucune conséquence pour l’accès à l’eau, condition du développement.