Michelle Martin, l’ex-femme et complice du meurtrier pédophile belge Marc Dutroux, a été accueillie mardi soir dans un couvent après avoir bénéficié d’une libération anticipée en dépit des protestations des familles des victimes.
Michelle Martin, 52 ans, est arrivée vers 22H30 (20H30 GMT) à bord d’un véhicule de police chez les soeurs clarisses de Malonne, près de Namur (sud), qui ont accepté de l’héberger pour une durée indéterminée malgré les critiques qui ont fusé de toutes parts.
Ni l’ex-détenue ni les soeurs n’ont fait la moindre déclaration alors que la police surveillait étroitement les abords du monastère. Maintenues à l’écart, une cinquantaine de personnes ont en revanche exprimé leur hostilité, criant "A mort !" ou "protégeons nos enfants", a constaté un journaliste de l’AFP.
Quelques heures plus tôt, le dernier obstacle à sa remise en liberté conditionnelle avait été levé par la Cour de cassation, la plus haute juridiction belge, qui a rejeté des recours déposés par les parties civiles et le parquet.
La vie quotidienne de la dizaine de soeurs du convent est totalement chamboulée depuis que le tribunal d’application des peines (TAP) de Mons a octroyé, le 31 juillet, la demande de libération conditionnelle que Michelle Martin réclamait depuis cinq ans. Elle l’a obtenue après avoir purgé 16 des 30 années de prison auxquelles elle avait été condamnée en 2004.
Cette décision a aussitôt provoqué de fortes réactions dans un pays durablement marqué par "l’affaire Dutroux", la pire affaire criminelle de son histoire récente qui, au-delà de l’horreur des faits, avait mis en lumière de profonds dysfonctionnements au sein de la police et de la justice.
Ancienne institutrice, Michelle Martin avait été arrêtée pendant l’été 1996, en même temps que Marc Dutroux, dont elle a divorcé en 2003.
Elle a été reconnue coupable d’avoir activement participé aux séquestrations par son ex-mari de six fillettes en 1995 et 1996. Quatre en sont mortes, dont deux de faim après avoir été emmurées dans la cave d’une maison du couple, près de Charleroi.
Près de vingt ans après les faits, Michelle Martin est toujours considérée comme "la femme la plus haïe" du pays. Mais "elle veut réussir sa réinsertion (...) et souhaite se racheter vis-à-vis de la société", a affirmé mardi son avocat, Me Thierry Moreau.
Son projet de réinsertion a convaincu les soeurs clarisses qui ont une longue tradition d’accueil des personnes vulnérables.
"Madame Martin est un être humain capable, comme pour nous tous, du pire et du meilleur (...) Nous croyons donc que tabler sur le meilleur d’elle-même n’est pas de l’inconscience de notre part", a justifié soeur Christine, l’abbesse du couvent.
Michelle Martin ne fera pas partie intégrante de la communauté mais elle devrait participer aux tâches communes comme l’entretien du potager ou la cuisine. Elle pourra sortir du couvent, avec toutefois l’interdiction de se rendre dans les deux régions où elle a vécu avec son ex-mari.
Elle devra également répondre à toute convocation de la justice et signaler tout changement d’adresse éventuel, sous peine de retourner en prison. Elle devra reprendre la thérapie entamée en prison et ne pourra pas établir de contacts avec les médias. Elle sera obligée d’indemniser ses victimes, chose qu’elle n’a pas encore faite.
"Sous le choc" de la décision de la justice qu’il a combattue avec force, le père de l’une des fillettes assassinées, Jean-Denis Lejeune, a affirmé que "le combat continue".
Il a adressé une lettre ouverte à Michelle Martin, lui demandant de dire enfin "la vérité" sur les circonstances de la mort de sa fille.
Un autre père, Paul Marchal, s’est déclaré "anéanti" par la libération de Mme Martin. "Mon combat contre Martin est terminé mais la lutte pour le statut des victimes n’est pas encore finie", a-t-il annoncé.
La priorité de ces pères est d’obtenir sans délai une réforme de la justice visant à durcir les périodes de sûreté pour les condamnations des crimes les plus graves, notamment contre des enfants.