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Après un an de guerre OTAN-Russie – Entretien avec Israël Adam Shamir

Le 24 février 2023, jour anniversaire du lancement de l’opération spéciale russe en Ukraine, Israël Shamir répondait aux questions de Rivarol (Questions : Monika Berchvok ; traduction : Maria Poumier).

* * *

Rivarol : Un an après le lancement de l’opération spéciale de la Russie en Ukraine, comment analysez-vous la situation sur le terrain ?

Israël Adam Shamir : Au début de la guerre, il y a eu l’ultimatum de Poutine à l’Ukraine et à l’OTAN. Il a exigé de l’Ukraine qu’elle renonce à son désir d’adhérer à l’OTAN, et de l’OTAN qu’elle se retire à ses frontières de 1997, et qu’elle reste à l’écart des anciennes républiques soviétiques. Il a essuyé un refus brutal. L’Ukraine a commencé à préparer son attaque contre le Donbass, l’enclave pro-russe au sud-est de l’Ukraine. Poutine a considéré que la guerre était inévitable, et a décidé de l’empêcher. En quelques jours, l’armée russe se tenait aux portes de Kiev. Des négociations ont eu lieu entre Kiev et Moscou à Istanbul, mais l’Angleterre a insisté pour y mettre fin. À ce moment-là, Washington et Londres ont pris le contrôle de l’armée de Kiev. Les Russes se sont rapidement retirés dans le Donbass. Ils ont découvert que leur armée était en mauvais état. C’est le caractère national des Russes : ils ne préparent pas les choses à l’avance, et ensuite ils se mettent à jour une fois que la guerre a déjà commencé. Cela a un avantage : ils savent ce dont ils ont besoin et ils le font très vite.

Les Russes sont cependant contrariés par l’échec de la première offensive. Ils ont gagné la bataille de Marioupol, un port important sur la mer d’Azov. Ils ont conquis les vastes souterrains d’Azovstal, mais la population est toujours mécontente. Ils ont alors fait appel au général Sourovikine, célèbre en Syrie (on l’appelait le général Armageddon). Mais cela n’a pas servi à grand-chose : Sourovikine a bombardé généreusement l’Ukraine, mais a été obligé de quitter l’importante ville de Kherson et de replier l’armée sur la rive est du Dniepr. Le commandement des opérations en Ukraine passe alors au général Guerassimov, le chef d’état-major russe. La guerre continue – sans changements drastiques. Les Russes considèrent qu’ils se battent contre l’OTAN, puisque l’OTAN fournit à l’armée ukrainienne des armes et des instructeurs. Et il semble que Poutine ne soit pas pressé de terminer la guerre. L’OTAN non plus d’ailleurs : les États-Unis et le complexe militaire industriel américain profitent de la guerre aux dépens de l’Europe, tandis que l’Europe n’a pas de politique indépendante. Les politiciens européens sont inféodés aux États-Unis. L’Ukraine aussi. Les Russes se battent donc comme les Français pendant la Première Guerre mondiale – dans des tranchées sur des centaines de kilomètres. Les Russes pensent que ce ne sera pas terminé tant que l’armée ukrainienne ne se sera pas rendue, mais cela ne semble pas être une question de semaines, ni même de mois. Plutôt d’années. Jusqu’à ce que l’Ukraine soit à court de soldats, et alors probablement c’est l’armée polonaise qui viendra la remplacer.

 

Pensez-vous que le choix de Vladimir Poutine d’intervenir directement était justifié ?

Probablement oui. L’OTAN voulait de toute façon combattre les Russes, il était donc logique de donner le coup d’envoi à la guerre. De toute façon, ils veulent aussi combattre l’Iran et la Chine. Il est donc logique que les Russes commencent par l’Ukraine. L’Ukraine est également le lieu où se trouvent 24 biolabs du Pentagone destinés à attaquer la Russie. Il aurait été préférable de commencer en 2014, et encore mieux de commencer encore plus tôt. Mais la Russie était alors encore trop faible.

 

La Russie a-t-elle les moyens de s’imposer contre l’Ukraine, qui mène une guerre par procuration pour l’OTAN ? Poutine a-t-il surestimé ses forces ?

Oui, la Russie est un pays immense avec de grandes ressources. Peut-être devra-t-il recourir au nucléaire. Mais les Russes sont suffisamment têtus et fatalistes. L’OTAN devra se retirer, sinon… On avait le sentiment que Poutine avait surestimé ses forces, mais maintenant cela n’a plus d’importance, car la guerre mondiale semble de toute façon inévitable.

 

Comment cette guerre a-t-elle changé la vie en Russie et en Europe ?

La vie en Russie n’a pas changé de manière perceptible. Les magasins sont bien approvisionnés, les stocks en tout genre sont abondants. Les cafés et les restaurants sont pleins. Le moral est au beau fixe. Les lieux de vacances sont bien fréquentés. Au lieu d’aller sur la Côte d’Azur, les gens vont en Afrique du Sud et aux Seychelles. Les sociétés étrangères sont reparties ailleurs, leurs entreprises sont maintenant détenues par des Russes – et le changement s’est fait à bas prix. De nombreuses conditions gênantes qui étaient acceptées par les Russes à l’époque d’Eltsine et de Gorbatchev sont supprimées aujourd’hui. Même dans le secteur le plus infiltré, le cinéma et le théâtre, les États-Unis perdent leurs positions de premier plan.

La machine militaire fonctionne bien. Ils ont redémarré la production de chars et de munitions, d’avions et de missiles. Considérez la guerre d’Ukraine comme un échauffement préalable à la guerre mondiale, tout comme la campagne finlandaise de 1940 était un échauffement en vue de la Seconde Guerre mondiale.

 

Quelles sont les différentes tendances parmi les dirigeants russes ? Y a-t-il une volonté des élites de remettre en cause le président russe ?

Pendant longtemps, la Russie a suivi et (dans une certaine mesure) été guidée par l’Occident. À l’époque d’Eltsine, cette tendance pro-occidentale est devenue dominante. Avec Poutine, elle l’est moins, mais elle est encore importante, surtout dans les grandes villes : Moscou, Saint-Pétersbourg, Ekaterinbourg. Une plus petite partie des élites et une grande partie des masses pensent que Poutine est trop mou et aimeraient avoir un dirigeant plus fort. Ils voudraient nationaliser les propriétés privatisées et éliminer les poches d’influence occidentale. Ils appartiennent au Parti communiste ou au Parti démocratique national. Si le président Poutine démissionnait, il est fort probable que le prochain dirigeant serait plus dur que lui. Mais en attendant, il semble que rien ne menace le règne de Poutine. L’année prochaine, il y aura les élections présidentielles, et Poutine continuera probablement à gouverner. Mais l’échec de la guerre en Ukraine pourrait changer tout cela.

 

Après la crise du covid, cette guerre a-t-elle renforcé l’emprise des partisans du Grand Reset sur les choix de l’« État profond » en Occident ?

Les partisans du Grand Reset ne sont pas particulièrement populaires en Russie. Ils sont moins voyants aujourd’hui en Occident, également. Je pense qu’ils ont dépassé leur apogée, et la guerre en Ukraine joue contre eux. Le covid a disparu, et l’agenda vert a été fortement utilisé pour les États-Unis et contre la Russie et l’Europe. Les thèmes gay et trans sont ignorés en Russie, mais aux États-Unis, ce sont toujours des sujets importants. Le remplacement des autochtones par les immigrants est quelque chose d’inconnu en Russie, parce que le système de protection sociale n’est pas très développé et la bureaucratie russe est trop rigide. En revanche, c’est certainement un problème pour l’Europe et les États-Unis.

 

Que signifie pour vous la politique internationale de Biden ? On a l’impression que sa montée en puissance est une fuite en avant pour cacher une crise profonde au sein de son propre pays ?

Biden a plusieurs crises à cacher : (1) le pic pétrolier, (2) la dévaluation du dollar, (3) la montée en puissance de la Chine et de la Russie, (4) la fin du monde unipolaire, (5) la destruction de la base industrielle des États-Unis. C’est grâce au sabotage du Nord Stream que les États-Unis développent leur industrie, vendent leur pétrole, et continuent à creuser leurs déficits. Le problème est la dégradation des infrastructures, et l’échec inévitable d’un système basé sur la finance.

 

Quelle est la position d’Israël dans cette nouvelle ère géopolitique ?

Israël est fortement influencé par les États-Unis. Netanyahou était un bon partenaire de Trump, mais il ne se débrouille pas bien avec Biden. L’opposition israélienne organise maintenant de grandes manifestations contre lui. En fait, Netanyahou était également ami avec Poutine, mais il est maintenant forcé par les États-Unis à soutenir l’Ukraine.

 

Le regain de tensions avec l’Iran et la reprise des affrontements dans les territoires occupés marquent-ils la volonté israélienne de reprendre une politique agressive dans la région ?

Le conflit avec l’Iran est une vieille idée fixe de Netanyahou, mais il veut que ce soient les États-Unis qui se battent pour lui. L’élimination des Palestiniens est un objectif bipartisan ; tous les Israéliens la souhaitent, et pratiquement tous préfèrent l’apartheid à la démocratie. Israël était agressif lorsque l’opposition actuelle était au sommet. Il y a donc peu de différence entre le gouvernement actuel et le précédent.

 

Dans ce monde en marche vers la guerre, pensez-vous qu’il y a encore un espoir de ne pas basculer dans la barbarie ?

Je pense qu’il y a une grande chance de guerre nucléaire – que ce soit en Ukraine ou en Iran. Les États-Unis sont trop belliqueux, et cela causera probablement notre perte. Pour la France, il serait bon qu’elle sorte de l’OTAN, comme elle l’avait fait auparavant, et qu’elle améliore ses relations avec la Russie, l’Iran et la Chine.

 

Israël Shamir, sur E&R :

 






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8 Commentaires

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  • #3139803

    "En fait, Netanyahou était également ami avec Poutine, mais il est maintenant forcé par les États-Unis à soutenir l’Ukraine."
    Je pense qu’Israel n’est forcé à rien du tout, ils sont les mêmes énergumènes qu’aux USA et sont amis, ce n’est que du cinéma pour pouvoir pleurnicher comme des victimes, comme d’habitude quoi...

     

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  • #3139834

    Seul correctif : ce sont les USA qui sont fortement influencés par Israël par l’intermédiaire de ses nombreux relais très haut placés dans l’appareil d’Etat, dans ses gouvernements, ses médias (depuis des décennies)... et cela explique beaucoup plus de choses !

    Trouvez-moi des américains étant dans les mêmes positions en Israël !

     

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    • Hahaha, vous vous trompez complètement @ursus. Le vrai pouvoir est aux US. Le système bancaire, le « soft power », et tout le toutim y sont implantés depuis bien avant l’arrivée de l’électricité ou l’automobile. C’est sur le point de changer car nous vivons une période historique cruciale dans l’Histoire. Et dont les livres (numériques ou non) évoqueront l’impact au même titre que la Révolution Industrielle ! Dans le monde dans lequel nous vivons, un patron de l’Aipac a beaucoup plus de pouvoir que le Premier Ministre d’une verrue occidentale au Moyen-Orient. Et beaucoup moins que ceux qui ont réussi à imposer le dollar comme monnaie d’échange internationale. Mais ceci appartiendra au passé bientôt. Peut-être pas de notre vivant, et même si les capacités de certains à évoluer dans le sens du vent ralentiront la marche…

       
    • #3140234

      ah oui, ? gros malin !
      et le pouvoir bancaire ou le soft power c’est tenu par qui ?. les USA ne sont qu’un hôtel (tout comme Israel d’ailleurs) pour la ploutocratie talmudique du mondialisme kabbalistique cela fait plus de deux mille ans qu’elle n’a plus de pays, simplement des passeports

       
  • #3139861

    « C’est le caractère national des Russes : ils ne préparent pas les choses à l’avance, et ensuite ils se mettent à jour une fois que la guerre a déjà commencé »

    Quel imbécile ! Oui, imbécile ! Les Russes se préparent depuis 2014 (voire même 2008/Géorgie) à cette guerre contre l’Occident. Aussi bien sur le plan militaire que sur le plan économique, diplomatique etc. D’ailleurs, c’est grâce à cela qu’ils ont écrasé l’ennemi et en même temps, malgré toutes les sanctions, l’économie russe se porte bien.

     

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    • Ce qu’il dit c’est que l’armée de terre n’était pas au niveau. Mais ça concerne toute les armées occidentales. On préfère développer des chars ou des systèmes anti missiles car c’est un signe de puissance et ça rapporte des devises. Déjà en 2003, les marines se plaignaient de payer de leur poche leur casque et gilet…

       
  • #3140468

    Biden a plusieurs crises à cacher : (1) le pic pétrolier,



    LOL. Le prétendu pic pétrolier est une pure arnaque du même ordre que le prétendu réchauffement climatique, inventés par les mêmes et pour les mêmes raisons.

     

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  • #3140978
    Le 15 mars 2023 à 13:14 par pasvuàlatélé
    Après un an de guerre OTAN-Russie – Entretien avec Israël Adam (...)

    Le pic pétrolier ne serait pas encore atteint mais au vu de la dangereuse démographie du sud, le problème énergétique reste entier.

     

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