Quelques heures avant le décès du Comandante Hugo Chavez, le vice-président vénézuélien Nicolas Maduro accusait déjà les « ennemis extérieurs » du pays d’avoir provoqué le cancer qui venait d’emporter le chef d’État vénézuélien, de la même façon qu’aurait été artificiellement provoquée la disparition du président de l’autorité palestinienne Yasser Arafat, dont le décès suspect continue de faire polémique encore à l’heure actuelle…
« Les ennemis historiques de notre patrie cherchaient à porter atteinte à la santé de notre commandant… Nous n’avons aucun doute, arrivera un moment dans l’Histoire où nous pourrons créer une commission scientifique qui révélera la vérité » ! Tout en annonçant dans la foulée l’expulsion de l’attaché militaire américain, David del Mónaco, déclaré persona non grata pour ses tentatives de « déstabilisation du pays » [Ria Novosti, 6 mars 2013]. À Moscou, faisant écho à ces déclarations, le Secrétaire général du Parti communiste russe, Gennady Zyuganov, n’hésitait pas, lui, à affirmer que la mort du président Chavez participait d’un vaste complot visant à l’élimination des ennemis des États-Unis en Amérique latine. Au reste, demandons-nous si, par delà les clivages politiques, Zyuganov n’exprimait pas la version officieuse russe relative à la douloureuse sortie de scène du révolutionnaire social-national-catholique Chavez.
Hypothèse du meurtre subtil
L’hypothèse du meurtre subtil, en différé, était donc présente, sous-jacente, ne demandant qu’à surgir à la première occasion comme la vérité émergeant de son puits d’ombre… Une version des faits à laquelle beaucoup de chancelleries se sont discrètement ralliées, notamment dans le camp des « non-alignés » nouvelle formule et autres puissances « émergentes » dont la présence a été remarquée à l’occasion des funérailles du président Chavez… dont le corps sera embaumé [1] et exposé dans une caserne ayant servi en 1992, pour Chavez et ses partisans, de quartier général pendant leur tentative avortée de golpe [2]. Ceci avant son transfert au « Panthéon » aux côtés de Bolivar… et à l’issue d’un référendum qui pourrait intervenir le même jour que la présidentielle du 14 avril.
Trente-deux chefs d’État ainsi que cinquante délégations se sont ainsi retrouvés le 8 mars à l’Académie militaire de Caracas pour un dernier hommage au défunt, parmi lesquels le président cubain Raul Castro, la présidente brésilienne Dilma Rousseff, le président équatorien Rafael Correa, le président bolivien Evo Morales, Daniel Ortega président du Nicaragua, le président de Biélorussie Alexandre Loukachenko, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le prince des Asturies, Felipe de Borbón, dépêché par la Couronne d’Espagne… ou encore l’ancien premier ministre canadien, Jean Chrétien [Afp/Telesur]. Pour ce qui est de la Fédération de Russie, plus discrète en ces temps de tensions virales au Proche-Orient, en Syrie notamment, elle se fit curieusement représenter par le PDG du premier groupe pétrolier russe Rosneft, Igor Setchine, le ministre russe du Commerce et de l’Industrie, Denis Mantourov, et le président de la corporation publique Rostekhnologuii, Sergueï Tchemezov [french.ruvr.ru, 6 mars 2013] !
Une mort entourée de l’aura du mystère
La mort prématurée d’Hugo Chavez à cinquante-huit ans, après quatre opérations chirurgicales et une année et demie d’âpre lutte, aura constitué un événement d’autant plus remarquable que l’homme – devrait-on parler à son endroit de « bête politique » ? – par son étoffe et sa carrure, sa truculence joviale – qualificatif signifiant étymologiquement jupitérienne – se situait largement hors du commun. Ceci dans un contexte géopolitique très spécifique où la dépendance pétrolière [3] des États-Unis vis-à-vis du Venezuela joue un rôle majeur… Un pays qui, avec la disparition de son leader charismatique, risque, en raison de sa forte influence régionale, de déstabiliser voire de radicaliser un espace géopolitique latino-américain de plus en plus soucieux – crise systémique aidant – de s’émanciper de la tutelle impériale des États-Unis… Une attitude qui s’incarne dans un renouveau « bolivarien », la « Tierra de Gracia » – la Terre de Grâce – étant devenue en 1999 une « République bolivarienne » et la tête de file de l’Alliance bolivarienne des Amériques – Alba – regroupant la Bolivie, l’Équateur et le Nicaragua [4]… « Un bloc antilibéral créé par Caracas et La Havane avec pour but de mobiliser leurs alliés régionaux contre [les empiétements de] Washington » [radiocanada, 5 mars 2013]. Chavez, dans la plus grande partie du continent sud-américain, « était devenu un joueur incontournable, au point où Moisés Naím, rédacteur en chef de “Foreign Policy”, n’hésite pas à parler de “l’axe d’Hugo” pour désigner l’ensemble des pays formant une sorte de “constellation” gravitant autour de Caracas » [ibid.].
Enfin cette mort revêt disions-nous, une dimension insolite en raison de la suspicion qui s’y attache et des rumeurs transfrontalières selon lesquelles celle-ci pourrait avoir participé d’une vaste campagne d’assassinats ciblés visant les chefs de gouvernements et d’État insuffisamment coopératifs avec le pouvoir mondialiste-internationaliste aux commandes à Washington… Au Congrès américain, certains élus ne se sont-ils pas bruyamment réjouis du décès d’Hugo Chavez qui « était un tyran forçant les Vénézuéliens à vivre dans la peur [en tout cas pas les deux millions d’entre eux qui ont défilé devant sa dépouille mortelle]. Sa mort entame l’alliance des dirigeants gauchistes anti-américains en Amérique du Sud [un vœu pieu !] »… Ainsi s’est exprimée la Voix de l’Amérique par la bouche d’Ed Royce, ci-devant président de la Commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants.
Mort naturelle ou assassinats planifiés ?
Le 10 mars, de retour à La Paz au lendemain de l’hommage rendu au défunt Comandante, Evo Morales, depuis le palais présidentiel se déclarait persuadé – « presque sûr » – que Chavez avait été empoisonné, à l’instar de Simon Bolivar, officiellement trépassé le 17 décembre 1830, d’une tuberculose, en réalité « empoisonné » aux dires d’Hugo Chavez ! Celui-ci – son propre cancer venant d’être diagnostiqué en juin 2010 – s’était en effet convaincu que le « Libertador » avait été lui aussi intoxiqué par une substance létale… Aussi, un mois plus tard, Chavez avait-il fait exhumer son corps – en grande pompe – mais sans résultat probant. « Depuis décembre 2011, les restes de Bolivar gisent dans une urne de cristal, gardée dans un cercueil orné d’or, de perles et de diamants… bientôt sous un gigantesque et futuriste mausolée de béton haut de cinquante mètres, en plein cœur de Caracas »… Notons pour l’anecdote que « sur la Toile, la “malédiction de Bolivar” a ses adeptes, attribuant le cancer de M. Chavez à la profanation du tombeau du Libertador » [lemonde.fr, 26 juillet 2012]. Les doutes de Chavez apparaissent malgré tout et a posteriori comme relativement légitimes – c’est-à-dire comme ne témoignant pas d’une paranoïa aiguë – car un scientifique américain, Paul Auwaerter de la Johns Hopkins University, avait lui-même, dès avril 2010, émis l’hypothèse que le Libertador aurait succombé, non à une infection pulmonaire mais bel et bien à un empoisonnement par l’arsenic !
À ce titre, le dernier jour de l’année 2011, quelques semaines après avoir fait rapatrier l’or du Venezuela déposé dans des banques étrangères, Hugo Chavez posait publiquement la question, dans un discours retentissant, de savoir s’il était possible d’induire des cancers chez des personnalités à abattre [5] ? Évoquant à ce propos une troublante série de cancers consécutifs parmi les dirigeants d’Amérique latine… À commencer par Cristina Élisabeth Fernández de Kirchner chez qui l’on découvre, le 22 décembre 2011, un cancer de la thyroïde… Elle venait d’être réélue le 23 octobre précédent à la présidence de la République argentine où elle a succédé à son mari Néstor Carlos Kirchner en décembre 2007. Or celle-ci, à l’époque où elle mène campagne pour un second mandat, est en « conflit » ouvert avec Washington, dont elle vient de faire saisir un aéronef militaire ! Cause à effet ? Néstor Kirchner quant à lui, alors qu’il s’apprêtait à briguer la présidence après une absence de quatre ans pendant laquelle son épouse Cristina avait en quelque sorte assuré l’intérim, a succombé le 27 octobre 2010 à un arrêt cardiaque foudroyant… quelques heures après avoir absorbé un café au cours d’un déplacement en Patagonie !
Chavez faisait en outre le constat que les tumeurs malignes affectant ou ayant affecté Dilma Rousseff en avril 2009 – lymphome – peu avant qu’elle ne succède à la présidence du Brésil à Inácio Lula da Silva – lui-même atteint en octobre 2011 d’un cancer du larynx ! – et Fernando Lugo président du Paraguay – cancer du système lymphatique depuis 2010 – défiaient d’une certaine façon les lois régissant les probabilités [ibid., 30 déc 2011]. Au demeurant, si l’on persiste à voir derrière cette macabre série, la main de la CIA – ne prête-on pas qu’aux riches ? – les choses s’éclairent singulièrement : après tout, au regard des document déclassés par la « Compagnie » en 2007, il est devenu public que l’Agence a tenté avec assiduité et à de multiples reprises d’éliminer physiquement le Líder Máximo Fidel Castro.
Le cas d’école des Kirchner à la loupe
N’est-il pas quelque peu aujourd’hui dérangeant que le quotidien vespéral Le Monde, peu réputé pour un conspirationnisme chronique, quinze mois avant que ne soit diagnostiqué le cancer thyroïdien de Cristina de Kirchner, ait publié un article au titre déconcertant : « Argentine : doutes lancinants de Mme Clinton sur la santé des Kirchner » : « Les analystes de Washington s’intéressent à la dynamique du leadership argentin, particulièrement en ce qui concerne Cristina Fernández Kirchner et Nestor Kirchner »… Ainsi s’exprime confidentiellement la Secrétaire d’État Hillary Clinton le 31 décembre 2009, comme le révèle l’un des innombrables câbles diplomatiques détournés par le site dissident Wikileaks [6]… lesquels commencent à être « repris » – depuis juillet 2010 – par une brochette de grands médias mainstream, dont Le Monde ! Or, que cherche Mme Clinton ? Elle veut saisir en profondeur « la dynamique interpersonnelle du tandem gouvernemental » argentin [lemonde.fr, 29 novembre 2010].
Citons extensivement le quotidien vespéral : « Nestor Kirchner élu président de l’Argentine en 2003, son épouse Cristina lui succède en 2007. La plupart des observateurs conviennent que le couple exerce le pouvoir de concert… “Comment Cristina Fernández de Kirchner et Néstor Kirchner partagent-ils leur journée ?” demande Mme Clinton à l’ambassade américaine de Buenos Aires. »
Cet intérêt très particulier à l’égard du couple présidentiel argentin n’est en réalité pas tout à fait nouveau : « En juin 2006, un mémo confidentiel obtenu par WikiLeaks s’attache à décrire très précisément le mode opératoire unique du dirigeant péroniste. » Il faut dire que Néstor Kirchner intéresse au plus au point. C’est un empêcheur de gouverner en rond car il s’est mis en travers des plans d’ajustements structurels qu’entend imposer le Fonds monétaire international à l’Argentine pour redresser une économie vacillante. Faisant preuve à ce titre – aux yeux de l’Administration yankee – d’un comportement velléitaire et imprévisible que les analystes du Département imputent à son état de santé supposé, lequel « exacerbe et détermine peut-être ses émotions et sa . Le président Kirchner souffre [en effet] d’irritation intestinale depuis des années » [ibid.].
Un mémo de septembre 2007 postule que Cristina de Kirchner semblerait être « un meilleur partenaire pour les États-Unis, plus sûr, fiable et accessible que son mari ». En février 2008, elle est encore perçue à Washington comme « plus proche du président brésilien Lula da Silva que de son homologue vénézuélien Hugo Chavez ». En novembre 2009, de proches collaborateurs des Kirchner finissent par convaincre le Département d’État que Cristina Kirchner « se porterait beaucoup mieux sans Nestor ». La même année au mois de juin, la majorité présidentielle va alors subir une cuisante défaite aux élections législatives, Nestor est dès lors qualifié dans un nouveau mémo, d’après un témoignage du premier cercle de pouvoir argentin, « de psychopathe, de monstre et de lâche, dont la recherche de l’affrontement politique dissimule une profonde insécurité et un sentiment d’infériorité » caractéristique d’un profil « pervers ».
Des états de santé préoccupant
Fin 2009, Mme Clinton se préoccupe de plus en plus de l’état de santé de Nestor Kirchner, s’intéressant particulièrement à ses prises de médicaments et aux facteurs pouvant influer sur ses changements d’états émotionnels. L’ancien président meurt finalement le 27 octobre 2010 d’une overdose de caféine ! Cela va être au tour de la présidente Kirchner de bénéficier d’un intérêt soutenu de la part de Mme Clinton dont les questions – lancinantes – demeurent inchangées : « Comment Cristina Fernandez de Kirchner gère-t-elle ses nerfs et son anxiété ? Prend-elle des médicaments ? Comment les émotions de CFK affectent-elles sa prise de décisions et comment parvient-elle à se calmer ? » [ibidem].
Or cet « intérêt » obsessionnel pour « les prises de médicaments » ne manque pas de réveiller le souvenir du président yougoslave Slobodan Milošević, également défuncté d’une crise cardiaque dans une cellule du Tribunal pénal international de La Haye… Il apparaîtrait qu’aux termes de l’autopsie pratiquée, celui-ci aurait absorbé un médicament ayant annulé l’effet de ceux qu’il prenait habituellement pour sa tension artérielle… Milošević aurait d’ailleurs rédigé une lettre le jour précédent sa mort le 11 mars 2006, dans laquelle il clamait « avoir été empoisonné » ! Celui-ci n’aura finalement jamais été jugé pour les « crimes » qui lui avaient été imputés, parce qu’il était derechef un homme condamné depuis mars 2002… date à laquelle il avait présenté au Tribunal pénal international, des documents du Bureau fédéral d’enquête – FBI – prouvant que le gouvernement américain et l’Otan avaient apporté un soutien matériel, financier et logistique à des éléments combattants d’Al-Qaïda en Bosnie puis au Kosovo en appui des forces mafieuses de l’UCK [veteranstoday.com, 8 juillet 2011].
In fine, il existerait des techniques apparemment fort simples, pour ne pas dire « élémentaires » en vue d’éliminer sans coup férir les individus soufrant au préalable d’une quelconque faiblesse cardio-vasculaire… Par exemple, l’émission de monoxyde de carbone sous pression dont 3000 ppm suffisent à provoquer un arrêt cardiaque immédiat par anoxie, cela sans laisser de trace dans l’air ambiant, ni dans le sang de la victime dans un délais très court ! Pour ce qui est des techniques d’induction de cancer, elles existent, comme l’évoque avec un conjurationnisme aussi modéré que suggestif, le site américain Veterans Today On s’y reportera [7].
Crime et châtiment
Lorsque Nestor Kirchner disparaît, le Français Strauss-Kahn est alors à la tête du FMI depuis novembre 2007 et s’y maintiendra jusqu’à son départ précipité le 18 mai 2001. Au demeurant, l’Institution internationale n’a jamais digéré les rebuffades du péroniste – populiste diront les uns – qui a refusé de se plier aux diktats des financiers internationaux, ceux-là même qui pilotent en sous-mains la « machine ». Pour eux Kirchner a franchi la « ligne rouge » et, d’une façon ou d’une autre, il devra payer. Pourtant en janvier 2010, la dette argentine avait été quasi épongée – sa restructuration est effective depuis 2005 – mais l’exemple argentin avait été et devenait chaque plus désastreux pour les oppositions européennes antisystème. Celles dont la presse ne parle pas, ou si peu, mais qui surgissent de manière « inattendue » lors de tel ou tel scrutin, comme récemment le Mouvement 5 Étoiles en Italie, le Parti conservateur Fidesz en Hongrie, Aube dorée en Grèce et beaucoup d’autres. Ce pourquoi quelques esprits enfiévrés ont voulu voir dans l’accident cardiaque qui emporta Kirchner, la punition de son insoumission au bankstérisme international… et, peut-être, un discret avertissement envoyé à ceux qui, en Europe, voudraient inconsidérément le suivre sur la même voie. Néstor Kirchner, élu en 2002 et aussitôt insoumis, devait être très conscient des enjeux et des risques, lui qui se déclarait sous le coup d’une menace de mort permanente… « Siempre », disait-il, « Toujours », selon ses propres termes [8] !
In fine, le schéma de suivi, voire de pistage, que les services de renseignement américains ont utilisé pour « traquer » les Kirchner – et qu’ont révélé incidemment et exceptionnellement les fuites sans lendemain de Wikileaks – ne doit pas être très éloigné du filet tissé certainement autour d’Hugo Chavez, infiniment plus dangereux et géopolitiquement beaucoup plus prioritaire que l’Argentine des pampas. De ce seul point de vue, un coup d’État – requalifiée ultérieurement en « tentative de destitution forcée » – n’a-t-il pas failli réussir en avril 2002, la mayonnaise n’ayant pas pris et Chavez n’ayant été détenu par les mutins que quarante-sept heures ?
Mais le gouvernement putschiste de Pedro Carmona Estanga avait été aussitôt reconnu par les États-Unis, ainsi que par l’Union européenne par la voix autorisée de sa présidence alors assurée par l’Espagne. En conséquence de quoi, en mars 2004, Caracas dépose plainte devant l’Organisation des États américains contre le gouvernement américain. Aune preuve matérielle ne viendra cependant, malgré les affirmations de l’administration chaviste, établir une implication des États-Unis dans la tentative avortée.
En novembre 2004, à l’occasion d’une visite officielle d’Hugo Chávez en Espagne, le nouveau gouvernement socialiste met en cause le précédent cabinet dirigé par José Maria Aznar dans la préparation du coup d’État manqué du 11 avril 2002. Le 19 novembre 2004, le procureur chargé des poursuites relatives aux causes et au déroulement putsch, Danilo Anderson, meurt inopinément à Caracas dans l’explosion de sa voiture.