Une critique positive du Monde des Livres est en réalité plus proche de l’enterrement de première classe que du podium littéraire. C’est le Capitole qui frôle la roche Tarpéienne. Sachant que la presse mainstream – et quoi de plus mainstream que Le Monde – glorifie ce qui est compatible avec le Système, rassurant (non anxiogène), opaque (imbitable) ou divertissant (voire idiot), on peut être sûrs que les coups de cœur du quotidien vespéral cumulent ces qualités respectives. Démonstration.
Un tel papier, carrément le sacre d’un géant de la Littérature, vu la longueur du morceau (10 000 signes, du lourd en presse écrite), ça te lance dans les médias, comme le fut la pauvre Sophia Aram, aujourd’hui oubliée. Seules les frasques de sa maman la font resurgir dans l’actu, un peu à son corps défendant. Le rejet du public sanctionne une notoriété artificielle, décidée par les « décideurs » du Monde et de France Inter. On voit où ça mène, d’imposer des personnalités à des gens qui n’en veulent pas. Surtout quand en prime, ils se font insulter par le phénomène médiatique artificiel en question !
Un épilogue triste, décevant, et qui peut devenir violent pour une personnalité qui manque de recul et qui croit les fabricants d’image.
Sophia fait un X :
Ici, personne ne tient rigueur à Sophia pour son humour bien-pensant (oxymore), même si elle insulte ceux qu’elle croit être ses ennemis politiques, ou sociétaux. On préfère « sociétaux » parce qu’on ne peut pas véritablement parler d’opinions politiques, à propos de Sophia. Et on ne dit pas ça méchamment. Le débat, chez nous, se situe à un autre niveau que gauche/droite, socialo/facho, ou gentil/méchant.
Rejet à la télé, rejet à la radio, rejet sur scène… Le message venu d’en bas semble clair. Vous nous direz, le peuple peut se tromper : Hanouna est con comme une pelle, mais il est populaire. Et alors ? On n’a jamais dit que le peuple était globalement intelligent, ni bête d’ailleurs. Il y a parmi nous de sombres crétins, de pauvres tanches, des connasses affolantes, des bourrins désastreux, mais aussi des personnalités attachantes, des gens qui s’occupent d’eux-mêmes et des autres, et qui améliorent le monde. Même si c’est juste autour d’eux.
On reconnaît qu’un paquet d’intoxiqués regarde TPMP (Touche pas à mon poste sur D8) chaque soir, mais ne soyons pas primaires, ni méprisants : et si mater de la grosse déconne ne valait pas mieux, question sauvetage neuronal, que de se taper nos JT soviétiques, établis pour un public d’enfants crédules ? Et après, il y en a qui se foutent de la Corée du Nord… Les Français devraient regarder la poutre qui est dans leur cul avant de rigoler des frasques du goret de Pyongyang (Ping-pong en français, probablement).
L’article prend un mauvais tour, revenons à notre reine du jour, Alice Zeniter.
La grande journaliste Raphaëlle Leyris écrivant :
C’est donc Le Monde en date du 16 septembre 2015 qui a ouvert les hostilités. L’auteure (Le Monde met un e, alors on le met) de l’article, Raphaëlle Leyris (une fille de ?), doit savoir qu’un panégyrique peut avoir des conséquence inverses de l’objectif visé. Qui était de mettre un auteur en valeur. On rappelle pour les ignorants que Raphaëlle a fait une remarquable interview dans Paris Match d’Amanda Sthers (qui a écrit notamment Le vieux juif blonde, l’histoire d’une jeune fille qui se prend pour un vieux déporté…), l’ex de Patrick Bruel, et du musicien Sinclair. Les présentations étant faites, que l’on vous résume le papier de quatre pages (Word) de la Leyris. Déjà, on apprend que la Zeniter (de Zénith ?) a reçu le prix du livre Inter (France Inter !) pour Sombre Dimanche (qui a crié Sombre Merde ? Yassin ? Yassin, tu vas au piquet). Ça commence mal.
La sosie de Cécile de France :
« À notre rendez-vous, Alice Zeniter, sosie brune de l’actrice Cécile de France, n’est pas en avance. Elle arrive d’un pas nonchalant, inratable avec ses santiags et ses vêtements d’un jaune et d’un rouge éclatants. Son débit est mesuré mais, souvent, dans un éclat de rire enfantin, la parole s’accélère et les mots se chevauchent. Elle dit des choses qui peuvent faire sourire, comme : « Je me suis mise tard à lire de la littérature contemporaine française, vers 23 ans ». »
On sourit. Notez l’allitération « éclatants/éclat ». Raphaëlle nous apprend que Alice est précoce, et qu’elle a déménagé à quatre ans en Normandie.
« Parmi les dates importantes de sa vie, elle en cite deux antérieures à ses 10 ans. La première, c’est le déménagement, à 4 ans, d’un appartement de la banlieue parisienne dans une maison de Normandie donnant sur la forêt : elle situe là les prémices de son goût des histoires à se raconter ou à inventer avec ses deux sœurs, goût qui s’est prolongé dès que possible par celui de les écrire. La deuxième date, c’est, en CM2, la rencontre d’une auteure pour enfants, Géva Caban, qui lui a donné « comme à un adulte » son premier conseil pour aspirant écrivain rêvant de se faire publier… »
Incroyable. Un passé tumultueux, qui explique peut-être ce goût et cette capacité à rendre grandes les choses les plus petites.
« Alice Zeniter, comme auteure, a le goût des échanges avec les lecteurs – dont le prix Inter lui a permis d’augmenter considérablement le nombre. Elle s’émerveille de ce qu’un livre soit la rencontre de ce qu’elle a écrit et de ce que chacun a construit à partir du texte – « Ça fait des dizaines de milliers de livres différents, et cela me bouleverse d’y penser. » »
Après ces extraits bouleversants, on est tentés d’acheter toute sa bibliographie (on cherche frénétiquement sur Kontre Kulture), et on a du bol car ouf, Raphaëlle nous dévoile la page 65 du roman, (juste avant la 66, et 66 c’est presque 666 !), ce qui nous évite de l’acheter, donc un bon point (Gode-win) à Raphaëlle.
Une couverture olé-olé, ça fait vendre :
Extrait de « Juste avant l’oubli » :
« A. D. Carr était un détective à part. Parce qu’il n’était pas intelligent. Parce qu’il n’était pas beau. Il n’était pas non plus journaliste, ni alcoolique, ni particulièrement doué pour la course. Il avait peu de répartie et jamais de révélation. C’était un paria complet. Donnell avait été le premier à assumer le côté malsain des personnages de super-détectives. Alors que les polars canoniques se contentaient de leur prêter un peu d’arrogance et de misanthropie qu’une intelligence hors du commun suffisait à faire pardonner, lui écrivait clairement qu’il fallait être tordu pour passer sa vie à remuer la merde des autres. Adrian Dickinson Carr, le détective que tout un lectorat suivit avec passion pendant trente ans, souffrait d’addiction sexuelle. »
Fiou, quelle plume ! Cette façon unique de dire les choses ! Ces effets de style ! Chester Himes peut aller se rhabiller. A propos, relisez Chester Himes, c’est de la bombe… anti-cafard, et anti-cafards.
Si on pouvait se permettre de donner un petit conseil, juste un petit, à Zeniter, ce serait le suivant : tu écris « c’était un paria complet ». Mais ça ne veut rien dire, chérie, ça n’entre pas dans la tête du lecteur, ça ne le touche pas. Il vaut mieux dire, par exemple, pour exprimer l’exclusion sociale, « il avait pour habitude de chier chez les autres, car ses chiottes étaient bouchées, et il avait pas envie de s’emmerder avec ça ». Ou alors carrément "il avait pas de chiottes chez lui". Là, le lecteur partage la mouise du héros, Adrian Dickinson Carr, quel nom à la con.
Et là, on réalise qu’on a perdu notre temps, et le vôtre aussi : si on avait lu en premier lieu l’interview de Zeniter dans Télérama, on ne se serait pas tapé tout ce boulot.
Télérama : Une comédie qui vous fait hurler de rire ?
Zeniter : La Cité de la peur. Ça fait très longtemps que je ne l’ai pas vu, mais le simple fait de parler des scènes qui m’ont fait hurler de rire il y a quinze ans me fait encore hurler de rire.