Karl zéro a connu son heure de gloire à la fin des années 90 et au début des années 2000 avec son hebdomadaire Le Vrai Journal. Il était alors animateur et producteur de cette émission de divertissement et d’information : divertissement à la Canal, avec des sketches, information avec les équipes de Capa (l’agence de presse), dont une partie se planquera sur le toit quand les frères Kouachi ont mitraillé la rédaction de Charlie Hebdo. Voilà pour le décor, ou le contexte.
Tout allait bien pour Karl et son coproducteur Michel Malaussena, auteur d’un livre-balance sur le milieu (Ardisson, Dumas, Collaro et compagnie en ont pris pour leur grade), qui vendaient à l’époque 1,5 million de francs (250 000 euros) par semaine au diffuseur Canal+ chaque unité du Vrai Journal, avec un gros profit à la clé.
Et tout alla encore mieux quand, en 2000, le géant néerlandais Endemol rachète aux deux coproducteurs la moitié de leur boîte de prod pour la coquette somme de 80 millions (de francs, soit 12 millions d’euros). Zéro, créateur du concept, conservera 32,5 % de la « Société du Spectacle » (le nom de sa boîte), Malaussena 17,5 %. Les deux deviennent riches, surtout Karl, malgré les procès qui s’enchaînent pour vols de droits d’auteurs. La justice lui est favorable, cela ne durera pas.
Le scoop mortel
En 2003, Zéro, qui suit de près l’affaire Alègre, ce tueur de putes toulousain, tueur en série mais aussi « redresseur » et tortureur de filles, se casse les dents à l’antenne avec la lecture d’une lettre de Patrice Alègre, alors incarcéré. Dans cette lettre, le tueur reconnaissait avoir assassiné deux filles, mais balançait un homme politique – Baudis – et un magistrat – Bourragué – comme commanditaires des meurtres. Zéro croyait faire un coup, il se prendra un gros contrecoup de la justice. Il évoque cette affaire sur Sud Radio le 4 mai 2021.
Officiellement, l’animateur sera poursuivi pour « sortie illicite de correspondance ». Officieusement, il se fera dézinguer par les réseaux francs-maçons chiraquiens de la justice – incarnés par le tout-puissant et très inquiétant Szpiner. Baudis et Bourragué, soupçonnés de participer à des soirées SM (ce qui en soi n’est pas interdit, mais fait mauvais genre), seront blanchis, et tout finira en 2005 par un non-lieu.
Karl Zéro sera évincé de l’antenne, Canal+ pensant à Christophe Hondelatte pour le remplacer. Le Vrai Journal, ce robinet à fric, s’arrêtera en 2006, et Zéro prendra sa retraite de la télé... enfin, de la télé juteuse. On le retrouvera dans des émissions de faits divers (déjà traités) sur le Net ou les chaînes câblées, que personne ne regarde.
Le lien avec Hondelatte nous servira de transition : surfant sur la vague des affaires irrésolues, ce qui est un truisme ou un pléonasme en France, Zéro se refera une santé en évoquant, à la manière d’Hondelatte justement, ce que les Américains appellent les cold cases. Et il ressortira de l’anonymat en s’attaquant au lourd dossier des grandes affaires pédocriminelles françaises, que les journalistes mainstream n’osent pas toucher. C’est le grand tabou de la télé, et pour cause : les ramifications sont à la fois réseautaires, politiques et médiatiques. On comprend pourquoi Pascal Praud ne fait pas le malin, et ses chroniqueurs encore moins, dans la vidéo qui suit.
À l’occasion de la sortie de son trimestriel papier baptisé L’Envers des affaires (le genre le plus en vogue actuellement dans les kiosques), Zéro diffuse une enquête étonnante sur Fourniret et ses liens avec la franc-maçonnerie et l’armée, enquête menée par l’excellent journaliste Oli Porri Santoro, qu’on avait déjà vu en décembre 2020 chez Naulleau pour faire parler Selim, le fils de Fourniret.
Karl Zéro revient donc avec son mook (trimestriel entre revue et livre), il apporte des informations inédites sur le passé de Fourniret, sa formation au meurtre, ses relations très étroites avec des militaires et des francs-maçons, et aussi l’incroyable aveuglement de la justice et de la police, que l’auteur de l’enquête ne s’explique pas, ou qu’il s’explique trop bien. Nous avions évoqué sur E&R le grand article du Monde (ou celui de France Info) sur Fourniret qui se bornait à montrer les failles de la justice, sans aller plus loin, évidemment. Nous reviendrons en détails sur les suites de ces révélations, car il y a encore matière à creuser.
Oli Porro Santoro livre des informations exclusives sur Nordhal Lelandais
Santoro et la criminalité chez les francs-maçons (mars 2018)
Rappel : en 1999, Élise Lucet évoque sur France 3 les réseaux pédocriminels