Comme au temps de la guerre froide, les États-Unis financent des médias et des journalistes un peu partout dans le monde. L’ennemi n’est plus le communisme, mais l’islam, sous couvert de guerre contre le terrorisme d’Al-Qaïda.
À la différence de Radio Free Europe, créé en 1949 et qui émet toujours, de Radio Tamadoun en Afghanistan et des chaînes de télévision comme al-Hurra en Irak ou TV Marty contre Cuba, l’ouverture sur Internet de sites d’information « africains » permet maintenant à la communauté du renseignement américaine – 17 services secrets – de savoir nommément qui les visite. La CIA – ou une autre agence – peut ensuite s’introduire dans la mémoire des ordinateurs, dresser facilement un profil de leur propriétaire, prendre connaissance des données qui s’y trouvent : correspondances, centres d’intérêt, carnet d’adresses, photos... etc. Aucun mot de passe ne résiste aux décodeurs de dernière génération. On n’arrête pas le progrès !
Le Defense Clandestine Service (DCS)
Les services américains vont ainsi se constituer des réseaux de soutien potentiels, dresser des listes d’opposants à leur politique, recruter plus facilement des espions. On imagine l’intérêt qu’auront ces informations lors d’une opération de déstabilisation, d’un coup d’État ou d’une invasion. Un article paru récemment dans le Washington Post (1/12/12) révèle que la DIA (Defense Intelligence Agency) forme 1 600 agents liés au Commandement américain des opérations spéciales (US Joint Special Operations Command), qui rivaliseront dans le monde avec ceux de la CIA. Une de leurs priorités sera la surveillance et l’infiltration des groupes islamistes en Afrique. Dans cette perspective, le Pentagone étudie la création d’un nouveau service de renseignement, le Defense Clandestine Service (DCS).
« Un nouveau site, sabahionline.com [1], centré sur la situation en Somalie, et destiné à contrer les messages du mouvement islamiste, al Shabab, a été lancé en février dernier par le Pentagone et le Département d’État. Neuf rédacteurs du Kenya, Tanzanie, Djibouti, Somalie, y contribuent. Il fait partie, avec un autre site, magharebia.com, (Libye, Algérie, Maroc, Mauritanie) de l’effort de propagande de l’Africom [2] basé à Stuttgart, pour rivaliser avec les extrémistes des deux régions les plus dangereuses en Afrique, la Somalie et l’Afrique du nord.
Grâce aux publicités émises sur d’autres sites web, sabahionline.com attire de nombreux visiteurs uniques. Les militaires US les estiment à 4 000. De plus, 10 000 articles sont lus par jour, sans qu’on sache qui est derrière l’opération. Le secrétaire général de l’Union nationale des Journalistes somaliens qualifie de professionnels les articles qui sont chargés, mais craint que cela ne mette en péril la vie de ceux qui y contribuent.
Africom finance ces deux sites à hauteur de 3 millions de dollars pour les reportages, la traduction, la publication, etc., et pense que les dividendes sont à la clé.
Cependant, pour Seth Jones, directeur associé de International Security and Defense Policy Center à la Rand Corporation, à Washington, la question est de savoir si “les États-Unis sont capables de jauger si les locaux les considèrent comme des sources d’informations légitimes et les lisent. Si non, on peut se demander ce que les États-Unis reçoivent pour leur fric ?” »
Source : « US Military Behind Africa News Websites », par Jason Straziuso [3] (revue de presse – AP - 14/11/12) - Traduction et synthèse : Xavière Jardez