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Affaire Woerth : un conflit d’intérêt peut en cacher bien d’autres

Avec l’affaire Woerth réapparait au grand jour la question du conflit d’intérêt. Moins médiatisée, une affaire impliquant François Pérol, l’ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée, va finalement faire l’objet d’une enquête. Mais ces deux là, ne sont pas les seuls a voir planer au dessus de leur tête le soupçon de conflit d’intérêt.

Alors que tous les regards se tournent vers le couple Woerth, une autre affaire de conflit d’intérêt vient de connaître un nouveau rebondissement. Le doyen des juges d’instruction a ouvert une information judiciaire pour « prise illégale d’intérêt » à la suite de la nomination de François Pérol à la tête de la banque BPCE (Banque populaire Caisse d’Epargne). Elle pallie l’étrange cécité de Jean-Claude Marin, le procureur de Paris, proche du chef de l’Etat, qui n’y percevait aucune anomalie juridique.

Cette promotion, pourtant baroque, faisait de l’ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée qui, à ce poste, avait eu à piloter la fusion Caisses d’Epargne et Banques Populaires, le patron de cet ensemble de 100 000 salariés, et ce à quelques mois seulement d’écart. Le mélange des genres dénoncé par la CGT de l’Ecureuil aura finalement été entendu par une instance qui pourrait par ailleurs disparaître avec la fin du juge d’instruction souhaitée par Nicolas Sarkozy.

Ce contre-pouvoir judiciaire est en réalité le dernier rempart après que la commission de déontologie de la fonction publique a été incapable d’empêcher François Pérol de prendre l’Ecureuil. Après un acadabrantesque jeu de procédure, entre saisine pure et avis consultatif préalablement demandé par le secrétariat général de l’Elysée, François Pérol s’était emparé de la troisième banque française, sans coup férir.

Voilà qui nous ramène à la question du conflit d’intérêt. Interrogé sur le cas d’Eric Woerth, son cumul entre ministre du budget et trésorier de l’UMP l’autre volet de l’affaire, Charles de Courson, député NC de la Marne Comme Charles de Courson en appel, comme nombre de députés de tout bord, à la mise en place d’une commission de déontologie pour les ministres, et autres parlementaires. Laquelle veillerait à identifier les fonctions ou « situations » incompatibles avec la charge politique. « C’est le seul moyen de faire. Même si la commission de déontologie pour les fonctionnaires s’est avérée à l’usage moins rigoureuse que prévue », se désole-t-il. En effet, depuis quelques années le pantouflage de fonctionnaire dans une entreprise ne doit pas être expressément autorisé, à chacun d’apprécier sa situation et de voir si celle-ci mérite d’être autorisée par la Commission.

Mais il y a pire. Même les avis de cette Commission peuvent être foulés au pied. La preuve par Stéphane Richard, l’inventeur du« retro pantouflage », c’est à dire le retour dans le public après être passé par la case privé, a refait, l’année dernière, le chemin inverse. Il est passé de la direction du cabinet de la ministre de l’Economie au poste de PDG de France Telecom en moins de un an. Il fait ainsi fi de l’autorisation de la commission de déontologie qui avait conditionné son passage à France Telecom : celui-ci devait se cantonner dans des activités qu’il n’avait pas eu sous sa responsabilité à Bercy. Peine perdue….En devenant PDG, il embrasse tout un pan qu’il avait eu sous son autorité à Bercy.

Ce n’est pas le moindre paradoxe que de voir éclore partout des comités de déontologie, alors qu’au même moment la responsabilité politique comme la morale publique ou celle des affaires s’émoussent.

Ainsi chaque entreprise du CAC 40 fait-elle grand usage de déontologues. Elles affichent également avec satisfaction leur bilan social et écologique, leurs actions en termes de lutte contre les discriminations (il conviendrait de multiplier les « s » à la fin de cette expression).

Elles se gaussent aussi d’avoir des administrateurs indépendants comme le prescrit la charte qui fait office de loi en la matière. Pourtant quand on regarde dans le détail... Prenons l’exemple du conseil d’administration de la BNP-Paribas. Jean-François Lepetit y siège, classé parmi les administrateurs indépendants. Pour un type qui doit beaucoup de sa carrière à Michel Pébereau, le boss de la banque, l’indépendance est toute relative… mais tout ce qu’il y a de plus conforme à la charte, puisque cela fait plus de cinq ans qu’il n’est plus salarié de la banque de la rue d’Antin. Ce qui lui permet également de siéger au Conseil de l’Autorité des marchés financiers. Évidemment pas sous sa casquette d’administrateur « indépendant » de BNP-Paribas, car l’homme est également président du Conseil national de la comptabilité, et c’est à ce titre qu’il siège à l’AMF. AMF qui a comme mission de surveiller les établissements de crédits agissant sur les marchés….et dont le rapport annuel est aussi vide de sanctions qu’un chalutier de poisson après une campagne en mer Baltique.

Un autre exemple de conflit d’intérêt ? Suite à la fusion de la commission bancaire, chargé du contrôle des banques et de l’Acam, son homologue des assurances, Jean-Philippe Thierry a été nommé à la vice-présidence de l’ensemble. Les très obéissants contrôleurs des assurances, un corps de polytechniciens pas vraiment gauchistes, ont eu beau crier leur colère contre la nomination de celui qui était patron d’Allianz, il y a seulement quelques mois, rien n’y a fait, l’apparatchik de l’assurance a vu son bâton de maréchal préservé….

La ministre des finances Christine Lagarde a déclaré qu’elle allait mettre à profit ses vacances pour travailler la notion de conflit d’intérêt, comme si le mot venait de surgir avec l’affaire Woerth. On pourrait commencer par donner le dossier aux historiens : le conflit d’intérêt est déjà une vieille histoire française et beaucoup de grands patrons ont construit leur carrière à partir de ce concept très juteux...