Sur Europe 1, l’ex-Premier ministre a déclaré que dans le passé les juifs étaient « une communauté qui ne respectait pas toutes les règles de la République ». Des propos qui ont fait réagir le grand rabbin. Fillon lui, dénonce une instrumentalisation.
Le 23 novembre sur les ondes d’Europe 1, François Fillon a estimé que « les intégristes sont en train de prendre en otage la communauté musulmane, il faut combatte cet intégrisme ».
Avant d’ajouter : « Comme d’ailleurs dans le passé on a combattu une forme d’intégrisme catholique. Comme on a combattu la volonté des juifs de vivre dans une communauté qui ne respectait pas toutes les règles de la République française ».
Le grand rabbin outré, rappelle « l’attachement des juifs aux valeurs de la république »
Quasi immédiatement, le grand rabbin de France Haïm Korsia a téléphoné à l’ex-Premier ministre pour « réaffirmer l’attachement des Français de confession juive à la France et à ses valeurs et leur souci d’intégration à la société française ».
Selon sa conseillère en communication, Haïm Korsia a également souligné que « le communautarisme juif qui a pu exister par le passé n’était en rien le fait ni le choix des citoyens de confession juive, mais la conséquence de la non-acceptation par la société française d’alors de leurs semblables ».
Le grand rabbin « a par ailleurs rappelé le rôle du Grand Sanhédrin mis en place par Napoléon en 1806, qui n’est autre que la proclamation de la garantie de pouvoir vivre le judaïsme dans le respect des lois de la République », a ajouté la conseillère.
De son côté, dans un post sur Facebook qui n’est plus disponible, l’union des étudiants juifs de France (UEJF) « se demande à quelle période François Fillon fait référence lorsqu’il évoque le fait que les Juifs aient refusé de respecter les règles de la République française, si ce n’est l’époque de Vichy où les Juifs étaient contraints à vivre dans la clandestinité et à porter l’étoile jaune ».
Interrogé sur la chaîne d’information israélienne i24 News, le porte-parole de François Fillon, Jérôme Chartier, député (LR) du Val-d’Oise a assuré que les propos de l’ex-Premier ministre avaient été mal compris.
« François Fillon est très clair sur le fait qu’il peut exister dans tout mouvement religieux des dérives sectaires. Cela existe, chacun le sait. Mais en même temps il a toujours salué l’intégration des juifs de France, qui ne date pas d’hier puisque le Consistoire date de Napoléon », a observé ce proche.
« Les juifs de France sont Français, comme les chrétiens de France sont Français, comme les musulmans de France sont Français... Sauf ceux qui participent à l’intégrisme islamique, au totalitarisme islamique et qu’il faut combattre », a-t-il poursuivi.
Fillon dénonce une « instrumentalisation »
Plus tard dans la journée, le candidat favori à la primaire de droite a lui-même tenu à s’expliquer sur les propos tenus sur l’antenne d’Europe 1, assurant que ses paroles faisaient l’objet d’une instrumentalisation de la part de personnes mal intentionnées en cette période de fin de campagne.
« Il n’a jamais été dans mon intention de remettre en cause l’attachement de la communauté juive de France à nos valeurs communes et au respect des règles de la République », a écrit François Fillon sur sa page Facebook.
« François Fillon ne connaît rien à l’histoire des juifs »
[...]
« François Fillon ne connaît rien à l’histoire des juifs », regrette Esther Benbassa, historienne des religions et sénatrice Europe Écologie-les Verts… qui invite l’ex-Premier ministre à suivre son cours à la Sorbonne.
[...]
« Quand j’ai entendu François Fillon, poursuit Esther Benbassa, j’ai tout de suite pensé au livre de Pierre Birnbaum, "les Fous de la République", qui parle de ces juifs qui ont servi la nation avec amour et fougue. De grands savants juifs, de grands hommes d’État, des hauts fonctionnaires juifs ont contribué au rayonnement de la France ».
« Les juifs ont voulu être des citoyens exemplaires de la République », insiste l’historienne.
« Durant la Seconde Guerre mondiale, les juifs ont été trahis par la République car il y a eu Vichy et les 73 000 juifs morts en déportation ». C’est, estime-t-elle, le seul moment où l’on peut considérer que les juifs se sont réfugiés dans une solidarité communautaire.