J’irai donc au rassemblement de dimanche.
J’irai avec tristesse, avec colère, avec dégoût, mais j’irai quand même.
Je viendrai à ce rassemblement pour signifier mon refus de la barbarie et défendre la liberté d’expression. Cette liberté, qui s’exprime dans le cadre de la loi, est notre bien le plus précieux.
Je viendrai à ce rassemblement car il sera, comme tous les autres rassemblements qui se sont tenus ou qui se tiennent en France, l’occasion pour tous les français de religion musulmane et non les « musulmans » ou les « musulmans français », autres dérapages lourd de sens de venir crier leur horreur devant ces crimes atroces, et leur attachement aux libertés. Ce sont les deux principales raisons qui m’ont convaincues de venir.
Je ne viendrai pas à ce rassemblement pour protester « contre l’islamophobie » comme l’a dit, très malheureusement, Clémentine Autain, du Front de Gauche. L’islam est une religion, c’est à dire une idéologie. On peut être islamophobe soit contre cette idéologie comme l’on peut être critique vis-à-vis de la religion Catholique, de la religion Protestante, de la religion Juive, etc... Ce qui est scandaleux, ce qui est criminel, c’est de réduire un être humain à sa religion. C’est très exactement le piège que nous tendent les terroristes qui veulent nous ramener au temps des communautés religieuses se combattant et s’entre-tuant.
C’est la détestation des personnes qu’il faut en réalité combattre, ni plus ni moins. La confusion dans laquelle se complet une partie de la gauche et de l’extrême-gauche est ici tragique et lourde de conséquences. Les attaques contre les musulmans (comme celles contre les juifs, les chrétiens, les bouddhistes, etc…) sont inqualifiables et insupportables. Mais, on a le droit de critiquer, de rire, de tourner en dérision, et même de détester TOUTES les religions. Et c’est aussi pour cela que je viendrai ce dimanche 11 janvier.
Pourtant, je sais que j’aurai un goût amer dans la bouche. J’éprouve un immense dégoût et une profonde colère et j’avoue qu’il m’a fallut les surmonter pour venir manifester. Le dégoût et la colère contre la récupération politicienne éhontée dont cette manifestation est l’objet. Ainsi M. Rajoy, premier-ministre de l’Espagne, qui vient de faire voter une loi restreignant le droit de manifester se drape-t-il dans les habits d’un défenseur de la liberté alors qu’il l’étrangle dans son pays. On peut en dire autant des responsables de la Turquie, qui seront présents dans ce rassemblement mais dont nous savons les compromissions honteuses avec le prétendu « État Islamique » (deux mensonges pour le un seul titre). La présence de Mme Merkel, dont la politique d’austérité n’est pas sans effest sur la crise que connaît la société française, de M. Junkers ou de M. Tusk, en tant que représentant des institutions européennes qui ont elles aussi une lourde responsabilité dans la crise sociale, pour être à un moindre degré de scandale n’en est pas moins parfaitement déplacée. Plus généralement, la transformation de ce qui devait et devrait être la protestation d’un peuple rassemblé et l’affirmation de son unité a été salie et dénaturée. Nous connaissons les responsables de cela, des hommes politiques sans légitimité, sans projet et sans avenir. Nous ne l’oublierons pas. Ils le paieront, comme on se doit de payer en démocratie, le temps venu.
Certains, dont plusieurs de mes amis, en tirent la conclusion qu’il faut rester chez soi. Mais, il n’y a rien à gagner à ce retrait sur l’Aventin. Oui, bien sûr, il y a un piège dans ce rassemblement. Derrière l’Unité Nationale on veut faire oublier une politique calamiteuse et l’on veut faire passer, sans doute, une législation d’exception. Que des ajustements soient nécessaires, soit. Néanmoins, profiter de l’émotion pour tenter de faire passer l’équivalent d’un « Patriot Act » à la française serait une véritable forfaiture. Ce piège tendu, nous le connaissons. Or, la connaissance d’une embuche est déjà le début d’une solution. À mes amis je dis qu’il faut aller à ce rassemblement, en colère contre les honteuses récupérations, mais qu’il faut y aller quand même. Ce qui est en jeu dépasse ces dites récupérations. Nous pourrons les dénoncer d’autant mieux que nous aurons participé à ce moment. Nous disons à tous ces dirigeants indignes qui espèrent redorer leur blason par une présence indue avec nous : ne craignez rien, vous ne perdez rien pour attendre. Et cette présence sera ajoutée, soyez en sûr, à la colonne « passif » de votre bilan. Nous n’oublierons pas que sont venus verser des larmes de crocodiles les responsables de la crise en Europe alors que ni Syriza, ni Podemos n’ont été invités. Non, ne craignez rien messieurs les fidèles serviteurs de la finance : le peuple à une longue et bonne mémoire.