Après New-York, c’est au tour de Washington de se voir “occupée” par ses citoyens lassés du pouvoir des grandes entreprises. Dans la capitale fédérale, “Occupy DC” a lancé les hostilités en squattant McPherson Square et défilant deux fois par jour depuis début octobre.
« Nous représentons 99% de la population, ensemble nous pouvons reprendre le pouvoir au 1% qui contrôle le pays. Nous voulons séparer l’argent de la politique et améliorer les infrastructures du pays, la santé, l’éducation, l’environnement et l’économie », expliquent les “99%” sur leur site internet.
Non loin de là, sur Freedom Plaza, une autre occupation a débuté quelques jours plus tard et pour une durée tout aussi indéterminée. Le but est le même ou presque, « stopper la machine », mettre un terme au pouvoir des grandes entreprises. : « Nous voulons que les ressources de l’Amérique soient utilisées pour répondre aux besoins humains et à la protection de l’environnement au lieu d’être gaspillées dans la guerre et l’exploitation. »
Rencontres avec quelques “indignés”
Étudiante en sciences politiques à Howard University, la plus importante fac “noire” de Washington, Lydia Casmier a inscrit « Where’s my bailout ? » sur sa pancarte, une allusion au renflouement des banques intervenu après la crise des subprimes. « J’ai à peine commencé l’université et j’ai déjà plein de dettes, explique-t-elle, et ça ne suffit même pas à payer tous les frais de scolarité puisque j’ai aussi deux jobs à côté. L’éducation devrait être un droit et non un privilège. Mais le gouvernement préfère financer des guerres plutôt que l’éducation. C’est encore plus dur pour les minorités parce qu’on vient des écoles publiques laissées à l’abandon. »
« C’est très important d’être là, chaque personne compte, et quand les gens verront les autres se mobiliser, le mouvement pourra peut-être prendre de l’ampleur. » Ancien du Viêt-Nam aujourd’hui employé à l’US Postal, Thomas Smith est aussi membre du parti vert local : « Un proverbe africain dit “ne critique pas le tigre sauf si tu as arrêté de manger de la viande”, les gens préfèrent voir le bon côté du capitalisme, espérant gagner beaucoup d’argent. Mais la crise actuelle, c’est le capitalisme, les gens doivent réaliser ce que le capitalisme entraîne : la concentration de l’argent entre les mains de quelques-uns. »
Psychothérapeute tout juste retraitée, Mary Shesgreen est venue de l’Illinois pour manifester. « Les plus riches ont de plus en plus de pouvoir et en plus ils suppriment peu à peu ce qu’il reste de notre système de protection sociale. On ne peut pas compter sur les politiques. Les républicains sont des affreux et les démocrates ne se battent pas, ils ont accepté trop d’argent des entreprises et ce sont eux qui ont renfloué les banques. Il faut changer notre façon de faire de la politique, il faut que les gens ne se contentent pas de voter et descendent dans la rue pour se faire entendre. »
À la tête d’une petite entreprise de nettoyage en Virginie Occidentale, Alan Risinger est venu en famille pour protester contre « le pouvoir de l’argent ». « Ce sont les multinationales qui financent nos partis politiques. Il y a trop de liens entre politiques et entreprises, affirme-t-il. Aussi longtemps que l’influence des lobbys durera, rien ne changera. J’ai cru au changement proposé par Obama, mais il a finalement gardé autour de lui les mêmes personnes qu’il aurait dû virer. Nous avons besoin d’une démocratie plus directe. »
« J’enseigne dans un quartier très pauvre de Chicago où les enfants voient dans l’armée le seul moyen de trouver du travail. Les militaires viennent jusque dans mon école pour recruter, ils y ont même un bureau, explique Margeaux Temeltas, une pancarte « Mes élèves ne sont pas vos soldats » à la main. J’ai cru au changement avec Obama, qu’il allait arrêter ces guerres que nous faisons en fait pour l’argent. Mais le pouvoir des entreprises est tel que voter c’est juste choisir le moindre mal. Les politiques devraient porter un uniforme aux couleurs des entreprises qui leur donnent de l’argent. »